30/12/2010

Silvester Anfang - Kosmies Slachtafval (2007)


Alors que tout le monde est en ce moment trop occupé à célébrer la nativité de notre suzerain et à jouir du faste orgiaque des festivités de fin d'année, j'introduis en lousdé un produit de contrebande belge qui saura satisfaire pour un temps les ardeurs des canailles pas encore assez rassasiées par les flots de liqueur au foi gras d'oie catholique.

De quoi est faite cette came? Deux longs titres qu'on pourrait traduire, si ce que l'on trouve sur le web est correct, par "Mon père était un loup et ma mère une pute" et "jam pour le jeune Satan", deux pistes coupées à la hache, pour environ 45 minutes d'une espèce de free folk bâtarde, de krautrock camé complètement hallucinant.

La pulsation omniprésente des percussions tribales et du tambourin s'occupe de donner le bon rythme et les bonnes couleurs à tout ce bordel de sonorités psychothropes, depuis les mantras de guitares -soutenues quelques minutes par les nappes d'un orgue assez discret- parfois aussi bavardes que leurs cousines moins consanguines d'Ash Ra Tempel, jusqu'aux drones planant dans lesquels résonnent de drôles de râles, hum. C'est plutôt sombre, louche, c'est même un peu crasseux comme petite cérémonie. Mais rien de bien méchant. On y prend très vite goût d'ailleurs. D'une justesse assez relative lorsque les grattes arrêtent un peu de baver leurs feedbacks magiques pour se concentrer sur des motifs plus mélodiques, c'est vrai.

Mais alors qu'est ce que c'est bon, une vraie bouffée d'opium frais. Un trip musical pas très sain improvisé par des freaks rigolos qui ont du pas mal carburer à l'Amon Düül en poudre. Une régalade pour tout les pervers qui moussent à la lecture des mots "rituel" et "occulte". Ah oui, en parlant de pervers: Matez-moi un peu cette pochette. Ceux qui comme moi ont apprécié le "Silver Apples" dont a parlé Arlie devraient peut-être aussi y jeter une oreille.

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17/12/2010

Wraiths - Plaguebearer (2007)



Au dos du boîtier une citation issue de Matthieu, 23:33 : "Ye, serpents, ye generation of vipers, how can we escape the damnation of hell ?". A l'intérieur, une illustration montrant un humanoïde mi-bouc mi-humain, capé et coiffé façon troubadour, bombarde brandie, chevauchant un sanglier museau au contact d'une jolie petite crotte... d'entrée on est prévenu : ça va être nihiliste, ésotérique et nauséeux. Une fois écouté, force est de constater qu'on était encore loin du compte.

Derrière Wraiths se cachent deux britanniques, dont Dan H., a.k.a Gaendaal le type à la tête des Sigillum Dei et Leviathan/LVTHN, et un autre dont j'ignore tout. Deux maîtres de cérémonies qui, pour chacune de ces performances lives, captent les infras-ondes de l'au-delà afin de mieux vous broyer, lentement, méthodiquement. Ça prête à sourire ? Cette petite horreur vous le fera ravaler.

Car Wraiths se la joue chaotique. Claustrophobe. Manipulateur d'un matériau sonore rêche, décontextualisé, obtenu non par le biais de latpop ou de synthétiseurs, mais provenant de "found & re-structured equipment, location acoustics and human vocals". Entre death industriel et ambient ritualiste analogue à un MZ.412 croisé Brighter Than Death Now, si l'on veut.

Tout commence par des boucles grondantes, vrombissantes, fluant et refluant tel un Léthé aux remous tumultueux, traversé par un rythme sourd, irréel, leitmotiv invoquant par ses frappes un dévoilement dont on redoute l'advenue. Puis des résurgences vocales typées BM se font entendre, s'éploient en diffractions, fusionnent avec cette fournaise, ce maelström qui d'abord s'épanche en filets discontinus, sournois, puis s'amplifie peu à peu en couches rugissantes. Ces ressacs distordus, mortifères, prennent alors l'allure d'une respiration monstrueuse, sourde et difforme, d'une onde arrachant, emportant tout sur son passage : le souffle de la mort ? Quoiqu'il en soit, ces mouvances informes ne se privent ni de quelques siphons white-noise éreintant, ni de sonorités acides... qu'il est épuisant de maintenir la tête hors de l'eau, quand nos chevilles sont tirées vers le fond...

Et dans ce sein à la texture dissolvante, des signaux de sondes errantes, solitaires, se devinent, lointains échos perdus dans les profondeurs... "To Corrupt The Water of Léthée", "Ghoulsong" sont excellentes, lorsqu'elles modèlent, à même ces boucles magmatiques, des phénomènes sonores glaciaux, spectraux, surnaturels venus les envelopper, les sublimer en litanies, transes monstrueuses berçant notre esprit complètement dissout, aux portes de l'oubli, écume aux lèvres et cerveau sur le carreau... t'entends jeune pédé ?! only the strong survive. Limité à 500 exemplaires.

15/12/2010

Silver Apples - Silver Apples (1968)



Quand je suis décidé à replonger un peu dans mes premières amours du psychédélisme des sixties, ça donne entre autres Silver Apples, duo formé de ces bien braves New-yorkais de Simeon Cox II et Danny Taylor, noms que vous aurez déjà oublié à la ligne suivante.
Fis des structures rock habituelles, d'éventuels chorus grotesques sur guitares inflammables. Ils s'étaient plutôt décidés, les salauds, à faire dans le minimalisme et l'électronique primaire sur des machines home made. Envoyant de gros clins d'œil à ce qu'allaient faire ensuite les krautrockers allemands, ils livraient en 1968 leur premier album éponyme fait de mélodies bancales, de nappes d'oscillateurs interminables, de quelques samples hors-sujet et de voix complètement perdues dans le brouillard sur ces rythmes de batterie qui n'en démordent pas dans la démence... Avant de littéralement se crasher en 1969, descendus par la Pan-Am, laquelle ayant modérément apprécié la première couverture de leur second album. C'est pas grave vu qu'ils avaient quelques années d'avance sur leur temps. A écouter 4 ou 5 fois de suite pour rendre le matraquage efficace.

Pour ceux qui aiment : the United States of America, la musique psychédélique, un zeste de minimalisme, la possibilité d'une cousinade avec le krautrock, la bonne époque où Pluton était une planète.

Il existe aussi une compilation contenant cet album et le suivant de 1969.
Et dépucelage réussi, je l'espère.

Mayhem - Life Eternal (Saturnus 2009)


In 1991, Euronymous contacted me to replace Dead on vocals in Mayhem. This album contains the rough mixes of five songs from the original "De Mysteriis Dom Sathanas" recordings. After the murder of Euronymous in 1993, everything was totally fucked up and I lost all contacts with the band. I had already returned to Hungary when I read the shocking news. My own life was heavily affected by that crime. I got lost in my confusing thoughts and mutated into a drug addicted living corpse for some time. Meanwhile the album turned into a bestseller and made some fat third party businessmen rich. Whatever had been agreed upon back then, truth is that I never received any royalties from this recording. I was crawling along the streets of Budapest locked inside my imprsoned brain, I felt punished by my dark fate and often thought of suicide. My whole hated life seemed twisted upside down. The only thing left in my hands from that recording was just a tape. It was only those first five songs from a rough mix. I had recorded them for myself in the studio at the time. I have been listening to that tape many times before I received my first copy of the CD some years later. This is how "De Mysteriis Dom Sathanas" was supposed to sound, before the album got remixed after the murder of Euronymous. 15 years have passed now and again I am the vocalist of Mayhem. Sometimes I still put that old tape on and listen to those five tracks, which are always bringing back very strong and dark emotions? As I have recently started my own small label, I am now able to share these feelings with the most die-hard Mayhem fans. It has cost me years of fighting to get the necessary rights for this release, which is strictly limited to 3000 copies. Here they are : five songs that once meant the world to me.
... In 1991, Euronymous asked me to replace Dead on vocals in Mayhem...
I would like to dedicate "Life Eternal" to both of them and to the Mayhem clan, to whom I owe that my life became so deeply involved with music !

En 1991, Euronymous me demanda de remplacer Dead en tant que chanteur au sein de Mayhem. Cet album contient les mixes originaux de cinq morceaux extraits des premiers enregistrements de "De Mysteriis Dom Sathanas". Après le meurtre d'Euronymous en 1993, tout était complètement foutu en l'air, et je perdis tout contact avec le groupe. J'étais déjà rentré en Hongrie quand j'appris l'horrible nouvelle. Ma vie en fut profondément affectée. Perdu dans des pensées inextricables, je m'étais transformé en une sorte de mort-vivant toxicomane. D'une manière ou d'une autre, l'album s'avéra un bestseller et engraissa quelques businessmen inconnus. Quels qu'aient été les arrangements passés à l'origine, la vérité est que je n'ai jamais reçu de royalties pour cet enregistrement. Je rampais dans les rues de Budapest, enfermé dans un cerveau lui-même emprisonné. J'avais l'impression d'avoir été châtié par un destin cruel, et je pensais souvent au suicide. Toute cette vie que je haïssais avait été foutue sens-dessus-dessous. La seule chose qui restât dans mes mains de cet enregistrement, c'était une simple cassette, ces cinq premiers morceaux issus d'un mix direct. À l'époque, je les avais enregistrés pour moi-même au studio. Je les avais écoutés un grand nombre de fois avant de recevoir ma première copie du CD, quelques années plus tard. C'est ainsi que "De Mysteriis Dom Sathanas" était supposé sonner, avant que l'album soit remixé suite au meurtre d'Euronymous. 15 ans se sont écoulés depuis, et je suis à nouveau le chanteur de Mayhem. Parfois, je me repasse cette vieille bande pour réécouter ces cinq morceaux, porteurs d'émotions très puissantes et très sombres. Ayant récemment fondé mon propre petit label, j'ai maintenant la possibilité de partager ces émotions avec les plus puristes des fans de Mayhem. Cela m'a coûté des années de combat d'obtenir les droits nécessaires à la production de cet album, que j'ai décidé de limiter à 3000 copies. Les voici : cinq morceaux qui, à une époque, valaient toute ma vie.
... En 1991, Euronymous me demanda de remplacer Dead en tant que chanteur au sein de Mayhem...
Je souhaiterais dédicacer "Life Eternal" à chacun d'entre eux, ainsi qu'au clan de Mayhem, auquel je dois de m'être trouvé si profondément engagé dans la musique !

Attila Csihar

10/12/2010

Murmuüre - Murmuüre (2010)



Alors là les mecs, accrochez-vous à vos slips, car question enregistrement tordu ça se pose là. A l'heure où Burzum chie dans la colle avec un dernier album merdique au possible, Murmuüre vous sort l'enregistrement BM le plus COOLOS de l'année. Désinvolte mais irréductiblement louche et douteux, transversal quoiqu'intègre, viscéral MAIS viral sous toute ses coutures - comme d'un poison hallucinogène, faussement glucosé quoiqu'indubitablement kitschoune, directement injecté dans ta veine jugulaire, aux effets aussi contradictoires que guts on da'table : langueur, nausées, extase, frénésie, rictus fendant ta face gazéifiée façon bouillie cosmique (spiralée, la bouillie) dans l'aube scintillante des boucles synthétiques (les "Torch Bearer" et "Disincarnate", saisissants). Ouais, rien que ça et bien plus encore ; Murmuüre, c'est avant tout une ode à l'onirisme parasitaire et dispersif, lo-fi tourneboulant tes neurones à grands coups d'ondes écharpées et de claudications rythmiques. Et ça fait du bien. Vraiment.

Non mais matez-moi st'allure ! D'la riffaille fuzzy, texturée, fruit d'improvisations, lambeaux disjoints et décharnés se superposant en d'improbables couches, qui à leur tour laissent émerger de monstrueux embryons mélodiques ; une distorsion âcre et retorse, crachin dissolvant ; des cuts dans tout les sens venus rompre les schémas d'écoute conventionnels ; un pianotage ambient mélodique (Eno potache et teenage s'excitant sur du matos déglingué) baignant ce météore noisy de piscines d'arc-en-ciels baveux ; sans oublier ces plans de batterie chaotiques (tantôt BAR, tantôt live) et de guitares, enregistrés séparément à des moments et/ou dans des lieux différents, qui viennent se compénétrer dans une orgie sonique goulue, onirique, psycho-foutraque (pour ne pas dire capharnaümatraumatique) complètement barge ! Chacun de ces éléments se fond, fusionne et se reverse l'un dans l'autre dans une intégrité et une densité psychédélique à nulle autre pareille, imprévisible, incontrôlable, tour-à-tour abstraite et charnelle (et charnue, ô combien ! la couenne est épaisse et généreuse). Ça ne ressemble à rien de connu, la typicité sonore est totale, la singularité itout.

Et ce patchwork insaisissable, overdubbé à ras-la-gueule (je sais pas comment le gus s'est démerdé pour lier toussa en un tout écoutable et cohérent, mais chapeau) regorge de moments épiques, il y en a même à foison ! genre l'intro flûtée de "Primo Vere", suivie d'une litanie vocale équivoque se modulant peu à peu en aigües électriques, "Améthyst" et ses vocaux surplombant l'épilepsie sonore, l'"Adieu au Soleil" dans l'intégralité de ses 6 minutes surréalistes et fiévreuses as fuck, qui inverse la pesanteur dans une déflagration ritualistico-BM te propulsant cul par dessus tête dans l'espace multicolore, parmi les poissons fushias têtes-de-mort et les baobabs célestes... obsédant, obsessionnel, impulsif et compulsif, rituel et bancal, WTF² et plus entier que ma caboche après ma cortectomie routinière, nul doute qu'après avoir pondu un truc pareil, ça sera dur de maintenir la barre au top niveau... car pour un coup d'essai (oui oui), c'est bel et bien un coup de maître.

Buy or die / FLAC

09/12/2010

Laibach - Let It Be (Mute Records, 1988)




We're more popular than Jesus now.


07/12/2010

Bosse - Echoes of the Forgotten (2008)


Voilà un exercice qui s'annonce délicat: Parler d'une oeuvre aussi profondément douloureuse qu'elle est dépouillée sans faire preuve de trop d'impudeur ni de pathos excessif. Et ce serait lui faire outrage de ne pas s'en garder.

Car ici, si les larmes coulent, elles sont rares, et aussitôt absorbées par les draps d'une alcôve ou le sol d'un caveau. Plus froidement, un album d'avant-folk très minimaliste qu'on qualifiera de particulièrement intimiste. Qui respire le deuil de la première à la dernière des six pistes, mais sans pompe. Ici, pas de déchirements larmoyants, pas de poses indiscrètes, pas d'affliction sonore et éhontée, de nonchaloir amoureux, de cynisme amer ou de pleurnicheries calculées. Expression presque austère d'une douleur secrète et repliée sur elle-même.

Et il est difficile pour quiconque ayant un coeur au milieu du poitrail de ne pas être troublé par cette ruine poussiéreuse aux résonances étrangement humaines, manifestation sonore du désespoir, ces progressions d'arpèges lentes et obsédantes, ces lignes mélodiques languissantes et décharnées, élancements d'une âme peinée asservie au Souvenir, ou qui se sait à jamais effacée des mémoires, motifs monotones qui figurent les épanchements venimeux d'un esprit abattu par l'Absence, répugnante tortionnaire qui s'applique à bercer l'apathique de drones éthérés et pénétrants pour l'engourdir un peu plus et, lorsque la douleur se fait torpeur, quand les passions morbides se refroidissent, lui souffler à l'oreille les échos fantomatiques, les plaintes sans fin de ceux qu'elle a ravi et qui reposent dans l'oubli.

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01/12/2010

Terry Bozzio and the Metropole Orkest - Chamber Works (Favored Nations 2005)






À vingt-et-un ans, Terry Bozzio, recruté par Frank Zappa, était le premier batteur à jouer le cauchemardesque The Black Page. Personnage à part dans le monde de la batterie, il est l'un des pionniers et seuls représentants du symphonic drumming, style de jeu consistant à accorder les éléments de l'instrument entre eux de manière à s'en servir à la façon d'un clavier ultracustomisé. Il développe la technique jusqu'à la folie, transforme son kit en orgue de percussions, et enregistre plusieurs albums drums only en solo ou en duet avec Chad Wackerman (puis en trio avec le même et Marco Minneman). On trouve presque toujours, dans la construction du morceau, comme une signature, une structure relativement similaire : une formule rythmique de base (généralement déjà relativement complexe) tenue par les grosses caisses et cymbales charleston, sur laquelle viennent se greffer des phrases mélodiques de plus en plus complexes, alternant ou superposant rototoms et cymbales chinoises.
En 2003, sur la proposition de Co de Kloet, Martin Fondse adapte certains des meilleurs morceaux solo de Terry Bozzio pour y adjoindre un orchestre de chambre. Ce sera le Metropole Orkest, des Pays-Bas, dirigé par Dick Bakker.
Les fans de Bozzio ayant écouté son Drawing The Circle regretteront peut-être qu'un seul titre soit réellement inédit, mais la présence de l'orchestre apporte suffisamment pour susciter l'intérêt, même pour des pièces que l'on connaît déjà par cœur. Les non-batteurs, même peu intéressés par l'instrument en temps normal, seront surpris de pouvoir l'apprécier si facilement. Le jeu du grand émacié, déjà tout en souplesse et en légèreté (il en faut pour manier un tel bidule !), est carrément soulevé, flotte au-dessus des eaux.
Adapter une série de soli en concerto pour batterie et orchestre aurait pu sembler insensé. Force est de constater que ça marche. Terriblement bien.

En une phrase : "Combien de percussionnistes, tu dis ?"

Pour les amateurs de : Frank Zappa, Magma, et de bandes sonores de films d'aventure.

Buy / FLAC

29/11/2010

Wrnlrd - Mldthr (2006)


La rareté des apparitions de Phoebus semblant déplaire à quelques frileux maussades qui grelottent ici bas, je me sens donc dans l'obligation de ne pas les réchauffer et d'apporter encore un peu plus de ténèbres infernales qui engloberont une fois de plus ce frauduleux business. Et quoi de mieux pour cela que de parler de ce proche parent ésotérique et mentalement atteint de "Tentacles of Whorror"? Si Leviathan est un monstre, alors Wrnlrd est un possédé. Et de toutes ses productions que j'ai eu la chance d'écouter, celle-ci est à mon sens la plus fascinante.

Mldthr, quoi d'original là dedans si ce n'est le délire numérologique? Car dans le fond, les compositions black de la chose sont très classiques, et jouées de façon on ne peut plus traditionnelle. Riffing primitif, trémolos approximatifs, tempo bipolaire. Agression supersonique ou mid-tempo sournois. Ça claudique comme dans "Myrmidon". J'entends par là une maîtrise bancale qui s'assume pleinement sans user d'artifices pour s'oublier. C'est foutraque, mais c'est habité, et c'est l'essentiel. On mélange à cette base plus ou moins saines des éléments dark ambient grésillants, se révélant efficaces lorsqu'ils tournent seuls mais qui trouvent leur intérêt intégrés dans les déflagrations black sus-citées. On ajoute ensuite les hurlements sursaturés et ininterrompus d'un fanatique en pleine crise mystique. Et on agrémente de divers feedbacks, d'échos spectraux, de samples nauséeux, de hululements et de cris suspects qui résonnent dans ce paysage exiguë où l'au-delà s'y déchaîne, peinture sonore d'une cellule noire ouverte sur l'infini dans laquelle flotterait un persistent parfum d'encens, de sang, de blasphème et d'ectoplasme. Une alchimie suffisamment douteuse qui aurait pu faire de ce Mldthr un album simplement bon si la production, singulièrement synthétique, n'ajoutait pas un certain cachet le rendant encore plus original.

Paradoxe difficilement exprimable d'un son typiquement black mais effrontément lisse et numérique, jamais vraiment nécrosé, ni massif, ni étouffant, ni même explosif, et pourtant loin d'entamer l'intensité générale. Très peu d'effets de textures sont volontaires. Ça grésille, et pourtant c'est plutôt propre et retenu, même si on assiste à quelques débordements lors des brèves accalmies procurées par le ralentissement de la pulsation terriblement sèche et mécanique de la boite à rythme, comme si le flux d'immondices profiterait de ne plus être martelé pour se répandre en dehors du corset qu'on lui a tricoté et exposer sa vraie nature à nos oreilles écorchées par des lignes de guitares tellement gorgées de vices qu'elles tenteraient vainement de les camoufler derrière une contenance ironique. Ce parti pris, peut-être discutable transfigure la chose en une transe hallucinée, instable et polypmorphique mot compte triple, qui cogne ici comme une bête muette, diffuse là sa laideur vaporeuse, dévore et lèche comme une flamme les recoins de votre âme pour y déverser la Folie pure. Et c'est rigolo.
Mystère en plastique fondu, métempsychose* de synthèse? Je ne sais pas, mais je recommande.

*(Kassdédi pour celui à qui j'ai peut-être puisé dans le capital chroniques...)
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19/11/2010

Deathspell Omega - Paracletus (Norma Evangelium Diaboli, 2009)


"Maudits soyez vous, qui espérez le jour de l'Eternel. Pourquoi auriez-vous le jour de l'Eternel ? Il sera de ténèbres, et non de lumière."
Amos 5:18

Voici le dernier volume. L'intercession du Malin se substituant à l'Esprit Saint, Paraclet du nouvel âge. Beyond this threshold, life exhausts itself, loves itself.

Sur l'innocence morte, les juges pullulent, les juges de toutes les races, ceux du Christ et de l'Antéchrist, qui sont d'ailleurs les mêmes, réconciliés dans le malconfort.

L'apocatastase, contre-jugement, retour perpétuel, condamnant la vertu au deuil et à la solitude éternels, au silence de l'abîme annoncé par le départ du Rédempteur ressucité ; tandis que celui qui reçoit à temps la révélation, jouit éternellement des raisins de la perdition.


Paracletus est un magnifique chant du cygne, l'annonce d'une fin et, sans doute, d'un recommencement. Difficile de ne pas entendre cet album comme un ultime climax, musical comme intellectuel. Paradoxalement, c'est à la fois l'opus le plus violent et le plus mélodieux du groupe depuis le début de la trilogie. C'est aussi le plus abouti et le plus simple. Deathspell Omega s'est débarrassé de ses derniers mauvais réflexes, a épuré sa ligne de travail pour aller droit à l'essentiel et densifier au maximum son propos sonore. En 42 minutes, tout est dit, et le groupe tire sa révérence par un final grandiose, pétrifiant de majesté.


En une phrase : Here is the pit, here is your pit! Its name is SILENCE...

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13/11/2010

Coil - Horse Rotorvator (1986)



Trêve de plaisanteries, il est temps de faire honneur à notre nom, avec ce premier chef d'œuvre de Coil, en partageant de la came putain de sérieuse. Indéniablement dérangé et dérangeant, Horse Rotorvator n'en est pas moins un album extraordinairement fun et goûtu, façon grande bouffe, festin de décadence irrésistible. L'album sait aussi nous faire perdre nos moyens à force de sincérité et de beauté pures, comme le montre le morceau Ostia, dédié à la mémoire de Pasolini. Le groupe se réclame également de la descendance de Leonard Cohen, avec la reprise de Who By Fire: sacrée lignée que voilà. Coil s'abandonne sans retenu à sa créativité, sacrifie à l'autel de l'absurde et du grotesque, et se fait tout à la fois bouffon du roi, troubadour et gigolo. Et puis, il y'a Penetralia, peut-être le meilleur morceau du groupe, monstrueux de vice ; il n'est pas mal aisé, à ce stade, de dresser le parrallèle avec Swans et consorts. Animal, furieux, et, par dessus tout, filthy as fuck, Horse Rotorvator est la caverne d'Ali-Baba des égouts de l'humanité.

12/11/2010

Lucifugum - Sociopath: Philosophy Cynicism (Propaganda, 2004)



Les Ukrainiens, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît. Et c'est ce qu'on aime chez eux, d'ailleurs. Plus le temps passe, plus je me dis que la seule cause de qualité ou de merdicité, en ce qui concerne le Rock et ses dérivés, c'est la conviction. Là où une scène de mollusques franchouillards se contente de repomper une énième fois Darkthrone pour faire peur aux mémés avant de reprendre une bière, le salut vient de l'Est. Parce que le peuple a pu souffrir préalablement, la haine peut ressortir lorsque le dernier verrou saute.
Sociopath : Philosophy Cynicism, c'est ça. C'est suivre des codes simples, parce qu'on n'a que ceux-là, mais les suivre jusqu'à la mort. Lucifugum hurle son intégrisme, son dévouement corps et biens à la cause du Black Metal. Mystique naïve d'adolescents de 30 ans qui n'ont que celle-là à laquelle se raccrocher. Le satanisme est une voie par défaut, et c'est ce qui en fait l'unique voie possible.
Tout ça ressort en quelques dizaines de minutes. Sociopath : Philosophy Cynicism est un album fascinant de brutalité implicite, de haine incontrôlée, de riffings bordéliques et d'enregistrement approximatif. Il dégage une énergie palpable, aussi concrète qu'une brique dans la gueule. Aussi kitch, ridicule et intenable que soit le discours, musical et tout ce qui l'entoure, les mecs le tiennent comme une ligne d'horizon. C'est terrifiant.

Pour vous faire une idée, le groupe a eu la bonne idée de nous offrir un clip qui résume à lui seul tout le génie de l'album. Regardez-moi un peu ce bijou (et si vous croyez que c'est une blague, sautez les deux premières minutes) :



En une phrase : je viens de me rappeler pourquoi j'aimais le Black Metal.

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07/11/2010

Dødheimsgard - Satanic Art (1998)



Sous les griffes de Vikotnik, les myriades célestes tourbillonnent comme autant d'éclairs enragés. Déjà la démentielle et jouissive bouillie multicolore de 666 International. J'ai un fantasme récurrent à propos de Traces of Reality. Je m'imagine cet hymne à la démence scandé par une marquise d'un autre âge, aussi glorieuse que grotesque: poudrée, mouchetée, arborant en somme tout le tin-touin de mise, elle hurle à s'en arracher les poumons, alors que ses yeux vomissent des étoiles. Sa gigantesque robe bouffante virevolte majestueusement façon Danse Serpentine. Cette marquise, c'est Aldrahn, le vocaliste de DHG, et le Ol' Dirty Bastard du black-metal. La dévotion même. À sa quête des mystères de l'âme, il sacrifie jusqu'à sa sanité d'esprit. Cette âme, il faut la vomir, coute que coute: il n'y aura pas de satisfaction, pas de fin, tant qu'elle ne luira pas à nue sur un plateau d'argent. Catharsis impossible, démesurée! Cordes vocales, accouchez.

Dødheimsgard - Monumental Possession (1996)



Un monument de pure jouissance sataniste décomplexée, hell yeah! Crossover black/thrash de très bonne facture, Monumental Possession s'apprécie comme un bon vieux rap old-school, genre Ultramagnetic MC's: le kitsch et le surfait font partie intégrante du délire et, de fait, on les accepte sans rechigner. L'expérience n'en est que meilleure. Seuls les gimmicks diffèrent: là où Kool Keith et ses acolytes passent leur temps à nous expliquer qu'ils sont les meilleurs MCs du monde, DHG nous raconte ses déboires avec Satan. Les Ultramagnetic MC's avaient les beats révolutionaires, Vikotnik a les riffs qui tuent. Oui, décidément, la comparaison tient la route. Une fois n'est pas coutume, voilà une tranche de metal bien rafraîchissante et fun.

27/10/2010

Dødheimsgard - Supervilain Outcast (Moonfog 2007)


Orange fluo et vert Matrice. Je veux du fun et du qui tabasse. Des collants moulants et des slips sur le pantalon, des justaucorps trempés dans les marais de Dantooine. Je veux des usines désaffectées, des fauteuils de PDG en décomposition, des zombies nazi radioactifs et des engrenages géants broyeurs de Charlot. Je veux Internet et ses légions de pop-ups fétichistes, la Pravda néo-post-pré-kantienne, et Zuckerberg sur un ring de la WWE. Du sperme et de la sueur, du cyanure et de l'aspirine, des jihadistes sous narcoleptiques et des cyber-rebouteux kabbalistes steampunk.
Je veux une batterie en plastique et une basse élastique. Blast-beats et mid-tempos, cassures rythmiques à la con, groove your toxic streets, modofoko. Je veux un chanteur qui se craque vraiment la voix, des chœurs léthargiques et des riffs pestilentiels. Je veux des corpsepaints multicolores. Je veux le retour de DHG.

En une phrase : Introvert sadist mindfucker.

Pour les amateurs de : Mayhem, Thorns, Code, The Kovenant, Aborym.

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19/10/2010

Paysage d'Hiver - Nacht (2004)


























« Beaucoup voulurent en vain dire en mots de joie la joie suprême. Ici enfin elle me parle. Ici, dans le deuil. » Sophocle

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16/10/2010

Nils Økland - Straum (2000)












































Nils Økland est un artiste fascinant. Violoniste de son état, le hardingfele (sorte de violon traditionnel norvégien) ne connaît aucun secret pour lui : ses modulations épurées donnent, aux morceaux qu'il écrit, leurs textures et leurs motifs diaphanes, nourrissent de leur matière sonore des atmosphères tantôt aériennes et insaisissables (ah, "Månelyst", "Straum" et "Skystudies"), tantôt sombres et menaçantes ("Understraum" et son harmonium au grondement terrifiant), toujours contemplatives et profondément poignantes. Il vînt même jusqu'à s'illustrer en live avec Supersilent, "The Wire Session Live" qui fût retransmis par la BBC Radio 3 dans le courant de l'année 2000. "Straum" donc. Økland livre ici un diamant transgenre, finement ciselé, au carrefour de la musique traditionnelle norvégienne et de la musique contemporaine. Accompagné de l'ethnomusicologue Sigborn Apeland à l'harmonium et au piano, de son frère Torbjorn Økland à la trompette et à la guitare acoustique ainsi que de Pal Thorensten à la contrebasse, tous s'attachent à conjurer brumes et épiphanies matinales, miroitements à la surface des lacs (clichés über alles !) et mélodies douces-amères (la magnifique "Gråtaslag"), que la délicate voix d'Asne Valland vient illuminer (les stupéfiants "Svev" et "Var", beaux et justes à en pleurer). Jamais cordes de l'âme n'auront vibré avec tant de tendresse.

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15/10/2010

LHD - Limbs of the Fawns (2006)
















Le moustachu allemand avait raison : nous sommes bel et bien entrés dans l'ère de l'anarchie, du chaos atomistique et de la dispersion des forces. John Wiese, pilier de la harsh-noise américaine et Phil Blankenship, directeur du label Troniks, viennent, avec ce "Limbs of the Fawn" produit par l'excellent label Misanthropic Agenda, d'en modeler le constat total, brut, manifeste. Incomparable : seules trois immersions dans ce bain d'énergie pure me suffirent pour comprendre que ce "Limbs of the Fawn" faisait partie des tous meilleurs albums de harsh-noise jamais produit ; qu'un tel déchaînement cataclysmique afférent au genre pouvait être, tout entier, sous-tendu par une vision artistique pleine, stimulante, jouissive. Véritable chef d'œuvre, ce "Limbs of the Fawn" est à rapprocher du fabuleux "Walks With Me" de Jason Crumer en terme de qualité ; rapprochement qui les fait tous deux trôner au dessus de tout ce qui a bien pu (ou peut bien) se faire chez les adeptes du sado-masochisme sonore, complaisance stérile en option dont on se passera bien, dorénavant...

L'unique piste de cet album s'impose alors comme une expérience unique, physique, harassante même, mais dont la fascination instillée croîtra à exacte proportion de l'effort, que dis-je ? de l'endurance qu'il vous faudra fournir pour vous y immerger, pour la pénétrer et faire corps avec elle.

Mur de son colmaté pendant 36 minutes, sans aucun répit ni silence salvateur, la densité de la masse sonore qui s'abat sur vous et vous fige sur place semble, à première vue, rester statique, immobile, indifférenciée tant le déluge sonique s'opère de façon vertigineuse, indistincte, tant ses congestions internes dilacèrent à un rythme insoutenable une trame sonore perpétuellement créée et recréée, chaotique. A première vue seulement. Car à mesure de l'écoute et de l'écoulement des secondes, à mesure que le regard, plongeant toujours plus avant dans ce bain de matière, initialement aveuglé, perçoit de plus en plus clairement, par étapes, comme de phosphènes après éblouissement ; ce qui semblait trouble et incompréhensible gagne alors en acuité ; chaque détails, chaque agrégats sonores forment alors des strates, chaque strates évoluent et forment des lignes de forces disparates, et là, s'ouvre un univers d'extrême prolifération et de matière dispersive, brute, concrète, dans laquelle on évolue avec un étrange délice, une ivresse de contemplatif observant ces évolutions instables, ces compénétrations et ces reliefs mouvants, immergés que nous sommes dans ce ciment aux distensions et aux particules en mouvement perpétuel. Extraordinaire et inoubliable : LHD, l'art brut et l'art brutal comme manifeste d'une beauté toute aussi rêche et insoumise.


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14/10/2010

Hespèrion XXI - Diaspora Sefardi : Romances & Musica Instrumental (1999)





















L'anthologie Diaspora Sefardi poursuit le projet humaniste d'Hespèrion XXI : sauvegarder ; quelque naïf et beau que soit l'idéal de sauver une musique essentiellement orale et improvisée en la "fixant" sur CD et en "figeant" cette mémoire culturelle ; musique et mémoire qui étaient, rappelons-le, choses originellement mouvantes, actualisées au jour le jour, sans cesse réinterprétée pour l'une et contextualisées pour l'autre dans le quotidien d'un peuple ; de sauvegarder, dis-je, un héritage musical menacé et, peut être, déjà moribond.

Cette anthologie déploie ainsi un large éventail des chansons et romances des séfarades d'Orient, de ces juifs espagnols qui, expulsés en 1492 par décret royal des couronnes de Castille et d'Aragon, émigrèrent vers l'Afrique du Nord, l'Empire Ottoman, le sud de la France ainsi que l'Orient Méditerranéen, en général. Au fil de ces pérégrinations et de ces changements de cadres, se développèrent une langue, une littérature et une musique séfarades, une culture à part entière, laquelle, si elle s'enrichissait effectivement d'une somme d'apports culturels non négligeable (culture arabe/nord-africaine, grecque, turque, bulgare, roumaine, serbo-croate, bosniaque etc) n'en préservait pas moins ses traits fondamentaux, spécifiques : l'identité juive et la conscience de ses origines hispaniques. Un véritable syncrétisme donc, que l'adaptation des thèmes manifeste clairement : la magnifique chanson d'"El Rey de Francia" se trouve être, ainsi, l'adaptation d'une ballade grecque ; lorsque la bouleversante "Porque llorax blanca niña", de plus de 15 minutes, se révèle être une fusion du thème paneuropéen du "Mariage contrarié" hispanique avec la ballade grecque de "la Mauvaise mère". (dixit le livret, très bien documenté et rédigé également en Catalan !)

J'aimerai croire que cette musique - parmi les plus belles et plus pures qui soient, tandis ce qu'elle éclot et enivre de sa plasticité épurée des scories du temps -, par le fait même d'être mise en CD et en circulation, ne témoignerait pas, quelque part, de sa mort. Le sort de la musique traditionnelle comme de la culture orale est sombre, et son appropriation par le numérique est peut être (sans doute) illégitime en ce qu'une telle assimilation l'exproprie de l'espace et du temps dans lesquels elle faisait sens. Un tel post nourrirait donc une illégitimité au second degrés, une illégitimité avec exposant. Une illégitimité malheureuse, tant il est vrai que cette musique fait partie, comme je l'ai dit plus haut, des plus belles et émouvantes que j'ai jamais entendues.

"[...] Beaucoup de ces chansons ont servi comme simple chant de distraction, pour accompagner les moments d'oisiveté ; mais d'autres eurent des fonctions plus spécifiques pour accompagner des moments de cycle liturgique ou vital [...]. Avoir aujourd'hui le plaisir d'entendre ces chants judéo-espagnoles -alors que le monde traditionnel séfarade ne vit plus que dans quelques précaires survivances- n'est pas seulement une invitation à jouir de leur musique et des histoires que nous racontent leurs textes, mais aussi une invitation à réfléchir sur le fait que des exilés ont su durant des siècles maintenir une tradition propre (juive et hispanique), qu'ils ont enrichie grâce au contact et la vie commune auprès de multiples cultures bien différentes".


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12/10/2010

Trist - Hin-Fort (2007)
















































Alors ok : le deuxième disque purement Dark Ambient, avec ses multiples samples "horrifiques" chie un peu - beaucoup - dans la colle. Ah ces samples, qu'est ce qu'ils peuvent nous gonfler à sans cesse repomper Yamaoka et Silent Hill, c'est tellement prévisible que, viscéralement, ça en devient répulsif. Arrêtez avec ça ! Ça n'a jamais fait aussi gay depuis que les branleurs de CMI s'en sont emparé pour l'assaisonner à toutes les sauces. A l'exclusion cependant de la piste "Licht Aus !", aka la composition la plus tétanisante jamais créée dans le style : Digne d'un Tho-so-Aa transcendé, au grain sonore livide, insaisissable, ou encore d'un Deathprod prodigue en bruits blancs bien dévastateurs, cette piste est un aérolithe à elle toute seule, relativisant d'un seul bloc toutes les mesquineries précédemment émises.

Mais alors les mecs, en ce qui concerne le premier disque, Benjamin Köning montre que ce n'est plus du sang qui court dans ses veines, mais bien plutôt du liquide de refroidissement pour fusée ! C'est bien simple, en plus de 5 ans d'arpentage de la scène, j'ai JAMAIS, au grand jamais entendu un truc analogue. "Hin", c'est une unique piste d'une heure ; une heure d'ambiant black hypnotique et intense à en crever la gueule ouverte. Elle débute dans un bain de nappes instables, halos livides aux compénétrations incessantes. Ça sent le granulateur à plein nez. Et, excusez-moi du peu, mais quelles nappes... atonales et non-mesurées, d'une texture proprement stupéfiante, elles absorbent infailliblement le regard et triturent le cerveau, valse de vents cosmiques et de souffles from outta'space. Tenues en suspens après quelques minutes, ces dernières laissent émerger un discours extrait du documentaire "Story - I am a Space Person", s'achevant sur ces mots : "It's the real Art, Art to drop yourself ... perfectly."

Puis c'est la déflagration, la propulsion verticale, brutale, ahurissante. Et là, dites-vous un truc : là où Darkspace nous tenait en haleine avec trois riffs, là où Paysage d'Hiver nous transportait avec deux, Trist, lui, nous soulève jusqu'aux étoiles et nous fait voyager, extatiques, par delà l'espace et les constellations, avec une note, une putaingue de note fuzzy maintenue NON-STOP, véritable mur de son impénétrable, statique (le voyage se fait si vite qu'il nous semble l'accomplir immobile, même expérience que chez Lustmord), sous-tendu en fond, occasionnellement, par des lignes de grattes aux courbes mélodiques délicieuses. La production permet de distinguer entre les différentes couches; l'impact est ébouriffant, restera à tout jamais gravé au fer rouge dans les mémoires. Réparties aux endroits-clés de la progression, des nappes d'ambiant plus mélodique, typée Berlin School, viennent se greffer, colorant un tout au psychédélisme extrême, sans concession.

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09/10/2010

Gnaw Their Tongues - All The Dread Magnificience of Perversity (2009)




















Holy shit. Ainsi donc, voilà ce qu'on peut faire avec une basse désossée, des overdub nauséeux et un gueulard coercitif. La bande-son rituelle, cataclysmique pour mystiques accro aux pratiques sado-bondage. Souterrains aux affaissements soulevant scories et vapeurs jaune pisse, grosses macérations noise, litanies obscènes et glorieuses... GTT n'a pas changé, ou si : plus accessible, sans doute, sans rien enlever à la démarche du propos, toujours aussi abrupt, retentissant et ample. GTT est une pathologie, pathologie tirant de l'ignoble le substrat d'une beauté odieuse, inqualifiable à exacte proportion de l'effroi qu'elle inspire. Et "All The Dread Magnificience of Perversity", de rester son travail le plus intéressant. On a pas fini de déglutir en écoutant ce bidule.

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11/09/2010

Moon - Tales of Long Dead Ladies (2008)



Voilà un album unique et sacrément plaisant. Le superbe artwork de Trine + Kim ne gâche rien, et je dois avouer que c'est précisément le travail de ce duo que j'apprécie beaucoup qui m'a amené ici. Un travail qui m'a permis par la même occasion de découvrir le label Interregnum Records, pour lequel ils ont réalisé toutes les pochettes. Celle-ci est peut-être ma préférée parmi toutes les créations du studio. Mais assez parlé visuel. L'album doit son nom aux poétesses anglaises du XIXème siècle dont il emprunte les textes: Emily Dickinson, Letitia Landon et Jennifer Jacobs. Ceux-ci sont soufflés par une énigmatique entité féminine dans un délicieux chaos sonore, façon shoegaze. Au milieu de ces effluves cotonneuses et électriques, c'est peut-être Stars of the Lid qui ressort comme la principale référence. Moon - un groupe français, une fois n'est pas coutume - appartient sans aucun doute à la même constellation saturnienne. Conseillé aux âmes rêveuses et fragiles, ainsi qu'à tous les chercheurs d'or et autres perles.

Je vous conseille de l'acheter directement chez Interregnum ou sur l'excellent webshop looop.

24/08/2010

Khold - Krek (Tabu, 2005)


Un album très shake your booty qui fit en son temps une concurrence éhontée à Satyricon au niveau du hit-parade norvégien. La preuve par a+b que le Black Metal peut être fun et groovy. Voir d'ailleurs les clips de Blod Og Blek et de Innestengt I Ei Kekiste.

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19/08/2010

Darkspace - Dark Space III (Avantgarde Music - 2008)


Ce qui est, à mon sens, pure miséricorde en ce monde, c'est l'incapacité de l'esprit humain à mettre en corrélation tout ce qu'il renferme. Nous vivons sur une île de placide ignorance, au sein des noirs océans de l'infini, et nous n'avons pas été destinés à de longs voyages. Les sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas fait trop de mal jusqu'à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons : alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d'un nouvel âge de ténèbres.

Howard Philip Lovecraft.

Quel supplice, né ou appréhendé par la raison humaine, pourra jamais égaler en atrocité l'aporie ontologique de mourir broyé par le vide ?


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18/08/2010

Boris - Smile (Southern Lord, 2008)


Rhâ, cette jouissance infinie de se prendre un gros mur de son dans la tronche. Nostalgie de l'époque où les fabricants d'amplis ne les truffaient pas de matériels trop résistants pour les empêcher de saturer, et où la disto n'était pas une affaire de pédale(s).

Smile est un album tellement novateur qu'il brille par son conservatisme. A la vas-y-comme-je-te-pousse. Riffing rock "in-your-face" en toute simplicité, paroles débiles chantées avec une délicieuse touche de faux dans chaque note, grosse batterie pas étouffée pour un sou, le tout sur des amplis Orange qui crachent et soufflent à mort, enregistré en prise directe, au point qu'on croirait que toute la production s'est faite uniquement sur bandes magnétiques, en oubliant systématiquement de mettre la fin des morceaux et en séparant les pistes du CD n'importe comment, mais surtout pas là où ça paraîtrait logique.

Saupoudrez de guests alléchants (le compère O' Malley est de la partie) et servez cru, sans assaisonnement, c'est comme ça que c'est le meilleur.


En une phrase : Joyeux bordel.

Pour les amateurs de : Elvis, Philip Sayce Group, Led Zeppelin, Nirvana, Earth, Sunn O))), and so forth.


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14/08/2010

George Duke - The 1976 Solo Keyboard Album



George Duke : figure géniale du jazz-fusion des 70's s'il en est, il fallait bien que j'en parle un peu ici. Généralement connu pour ses participations avec Zappa, Waits et le Miles Davis électrique seconde période, ses expérimentations aux clavier seront le terreau propice à l'avènement du "P-Funk"(ou "pure funk", la constellation éreintante Parliament/Funkadelic), et quand on voit un peu le matos que le bonhomme se trimballe sur cet album solo, y a de quoi avoir le vertige : guitare, piano, fender rhodes, mini-moog, wurlitzer, hammond, et enfin ARP synth ; je peux vous dire qu'on en s'en prends plein les mirettes. Comparativement au reste de son œuvre solo, cet album-ci a le mérite, avec quelques autres, d'être un sans-faute. Aucun déchet. Les sonorités sont délicieusement vintages, avec pas mal d'overdub, portées par un sens du groove propre à faire défaillir n'importe quel frigide. L'approche est complexe, très écrite, sophistiquée, mais on entre dans cet album comme on s'enfoncerait dans une crème glacée aux milles couleurs et textures différentes. Un vrai délice.

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12/08/2010

Scorch Trio - Brolt (2008)



Ah Scorch Trio, probablement le meilleur power trio free-jazz/rock made in norvège à m'être passé entre les oreilles ces derniers temps. Cette fois-ci Helge Sten (Deathprod, Supersilent) s'occupe du mastering, quant à la démarche old school propre aux norvégiens, elle demeure inchangée : sans fard aucun ni overdub, enregistrement analogique 100% live, microphones vintages... Avec Raoul Björkenheim aux grattes et à la viole de gambe (? viola da gimbri ?), Ingebrigt Haker Flaten à la basse et aux triturations électronique ainsi que Paal Nilssen-love aux sections rythmiques, Brolt est la signature musclée et intense d'un langage musical totalement libre, très dur et brut de décoffrage, aux fulgurances et à la fièvre omniprésente. L'impact "émotionnel" (nous dirons : physique, tant le bidule avoine sévère) n'est, quant à lui, absolument pas en reste. Très clairement situé dans l'héritage d'Hendrix ou du Miles Davis électrique (Big Fun, Bitches Brew), Brolt déroule 6 improvisations à l'apeurante densité, aux idées se bousculant si vite les unes à la suite des autres qu'on ne sait même pas ce qui risque de tomber la mesure d'après. Dense, donc, et chaotique : de quoi renvoyer tous les groupes de War BM dans les jupons de leur maman. Tout juste reconnaît-on dans l'urgence de "Hys" l'esquisse nerveuse d'un rock anguleux reprenant sur sa phase terminale quelques couleurs bluesy, dans "Basjen" les belles mais inquiétantes modulations de textures d'une viole électrisée, sans oublier "Geba" et ses motifs saisissant de beauté atmosphérique... pour repartir dans l'incandescence la plus éblouissante et haletante. Loin donc de se complaire dans une catharsis à l'hermétisme fatiguant, c'est dans une résonance et une complémentarité des plus parfaites que le trio nous livre son témoignage le plus diversifié, complet, abouti (même si j'ai un faible indéniable pour l'éponyme), et, par voie de conséquence, le plus apte à traverser l'épreuve du temps.
Très, très chaudement recommandé donc.

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11/08/2010

Hildegarde Von Bingen - Chants de l'Extase (1180)



Typiquement le genre d'enregistrements sur lequel proférer un mot tient de la souillure irrémédiable, tant les hauteurs spirituelles atteintes donnent le vertige, dans la plus pure conception musicale, artistique de Boèce et des esprits des cathédrales. La musique était alors pensée comme un domaine spéculatif à part entière, fondé par des données métaphysiques et organisé selon des applications mathématiques. Elle revêtait alors d'une dimension essentiellement cosmogonique, puisqu'elle exprimait dans ses développements, à travers l'harmonie, l'unité de ces chœurs monodiques s'élevant en gracieuses inclinations, cet idéal d'harmonie universelle - établie selon l'ordre des nombres par la raison divine - à partir de laquelle Dieu créa le monde, la course des astres dans le ciel, le changement des saisons, bref, l'unité de l'âme de l'univers... entendez par là qu'en tant qu'œuvre mystique, c'est à dire en tant qu'œuvre investie de la connaissance de Dieu, la composition des "Chants de l'Extase" élèverait, dans une pureté des plus ineffables, à la souveraine contemplation métaphysique. De la drug music raffinée à 98% quoi. Une vraie junkie cette Hildegarde, derrière ses airs de sainte nitouche.

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08/08/2010

Electric Masada - 50th Birthday Celebration Volume Four (2004)



Aka la version live, électrique et survoltée de Masada, un des projets de Zorn dans le goût "extreme klezmer free jazz". "50th birthday celebration" est l'initiative de Zorn pour fêter ses 50 années de carrière toutes entières dévouées à la cause du jazz, de l'expérimentation (douteuse le plus souvent) et du bordel sonore sous toutes ses formes. Aux sources de cette publication sur son label Tzadik, toute une série de lives enregistrés au Tonic en septembre 2003. Alors pour les malheureux qui connaissent pas, ruez-vous sur cette sortie. L'intensité et l'osmose entre les zicos sont telles qu'on se croirait débarqués en pleine tempête orgiaque, complètement hallucinée et irrésistible, bref, du free qui encule ta maman avec une classe folle, une finesse ébouriffante. Parmi les prestations les plus remarquables, une section rythmique touffue et hallucinante (Cyro Baptista et Kenny Wollesen), un Ribot complètement transfiguré et frénétique au feeling divin ("Idalah-Abal", "Lilin" sont des prodiges), un Zorn au sax' toujours aussi criard et déchirant, le tout habité par les bidouillages électroniques omniprésents d'Ikue Mori, ça vous fait un sacré creuset aux fulgurances renversantes. Impérial. Masada, un des projets au travers duquel l'excellence zornesque se manifeste avec la plus grande clarté et lisibilité. N'attendez plus.

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Lull | Origami Arktika - Brook (Fario, 2001)



Entre l'Inquiétude. Le Grand rouge, fait mine de se lever. Au loin, le cyclone glougloute tendrement. Machine sommeille un peu moins.

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18/07/2010

Anton Bruckner - Symphony No. 4 in E flat ("Romantic"), WAB 104 (various versions)



Croyez-vous seulement qu'on puisse parler d'une telle œuvre en quelques mots, pire, encore, en paragraphe entiers ? Je ne me sens pas le courage de présenter toutes les courbes et les aspérités d'une telle cathédrale sonore aussi imposante qu'écrasante. La symphonie n°4 est trop grande, investie d'un souffle par trop inhumain et paroxystique pour que le langage puisse en supporter la marque. Aussi, seul un silence visionnaire serait le plus à même d'en exprimer l'expérience vécue, subie et adorée. La vision qu'en a Celibidache, tout en tempi d'une lenteur extrême, respecte et sublime l'écriture brucknerienne, basée sur la rétention des charges pour leur libération dans un seul et irrépressible mouvement, explosions libératrices emportant l'âme et abolissant la raison. L'unité d'une telle œuvre est un véritable prodige formel ; en effet, celle-ci se construit, se bâtit et s'élève dans une juxtaposition de sentiments tempétueux, contradictoire, mais d'une juxtaposition trouvant une intégration - miraculeuse ? dans une forme monumentale surpassant la somme des parties et les oppositions internes. Plus l'écoute progresse, et plus le sujet s'élève à une hauteur vertigineuse, aux ordres d'un langage musical s'enrichissant, à chaque succession de phrases et de phases, d'une tension à l'absolu toujours plus exacerbée. La 4 demeure l'œuvre mystique par excellence, et quand je dis "mystique", ici le mot reprends toute sa portée : comme si Bruckner, pour retranscrire l'extase, l'extase blanche et terrible, celle-là même qui rompt le principe individualisant, forgeant et formant l'âme en fusion de l'individu parvenu à la pointe de l'harmonique ; ne trouvait dans la contemplation (le motif final, faîte et pointe de l'édifice, n'est autre que la reprise du premier mouvement) que le seul et unique moyen d'atteindre, et de demeurer dans, cet état de trépidation vertigineuse, indicible, et salvateur. La musique de Bruckner, c'est l'aorgique, l'ivresse suprême du désorganique se confondant à l'extrême pointe de l'organique, de cette organisation interne impliquant l'opposition entre les différentes parties de la totalité considérée. Inégalable et insurpassable.

PS : ne vous laissez pas abuser par l'image de disque : en effet, le post mis ici à disposition est en fait extrait d'un double CD présentant et la symphonie n°4, et la symphonie n°9, l'une jouée par le Stuttgart SWR Radio-Symphony Orchestra ; et l'autre, par le Munich Philharmonic Orchestra. Un double-cd à la couverture bleue, mais trop petite pour supporter sa place ici.

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11/07/2010

26/06/2010

Dave Liebman - Miles Away (1994)



Moins volcanique et strictement "coltranien" que lors de sa période formatrice, mais d'une justesse et d'une spiritualité toujours aussi rare ; Liebman, après avoir déchaîné foudres et tempêtes, se pose et parle désormais d'une mélancolie pénétrante, tranquille, à fleur de notes : maître du saxophone soprano, les reprises se succèdent, lénifient d'harmonies touchant juste, modulant un langage neuf, souple et beau : écoutez donc "Pan Piper", ou "In A Silent Way", ne s'abîme t'on pas dans la même contemplation telle que Charles Lloyd, celui-là même qui initia ce dernier aux arcanes du saxophone, de la flûte, de la mystique indienne, nous avait convié ? Une belle bouffée d'air dans une discographie pour le moins pléthorique, "Miles Away" est fait pour tous ceux qu'une, une seule note suffit à apaiser.

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Inade - Colliding Dimensions : Four live seasons (1995-2002)



Bafouilles à venir sur cette belle donation d'Inade : à peu près 4h de live propres à faire imploser votre salon, 4h propices, également, à réfléchir sur les rapports abstractions/émotions qu'une telle musique semble de plus en plus questionner, à mesure que murissent l'expérience des zicos et l'esthétique générale.

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23/06/2010