25/05/2011

Mythological Eoarchean Cosmonauts - Astral Fluid (2011)


Deneb Tala nous offre ses fluides. Enfin, pas vraiment, mais le premier disque de son projet de space ambient sobrement nommé Mythological Eoarchean Cosmonauts sorti tout récemment a déjà le mérite d'être bien nommé en plus d'être réussi. Ambient de fort belle qualité qu'on devine influencé par Steve Roach (un peu, sans le coté new age), Trist (un peu plus) et les grands noms de la Berlin School (beaucoup, et non je ne prends pas beaucoup de risques à avancer ça), fait de deux longues pistes complémentaires, construites sur un schéma approchant de la forme ascension/descente, ambient aux consonances sacrées assez explicites qui cache, sous ses drones majoritairement analogiques qu'on pourrait juger placides et même un peu timides aux premiers abords, alors que l'oreille est trompée par la linéarité apparente de la progression, son jeu de nuances, la douceur de ses transitions et son caractère évolutif bien prononcé.

Je parlais plus haut de complémentarité entre les deux compositions, et ce rapport est également vrai pour le panel de sonorités employées par l'homme de goût, car il se dégage nettement de ces transports verticaux une dualité intéressante entre deux thèmes principaux, à savoir le tangible représenté sous la forme de l'état liquide et l'immatériel de l'âme et de l'ether. C'est du moins de cette manière que le perçoivent mes petites oreilles, qui ne sont pas gênées de tirer des conclusions de la sorte quand on voit à quel point les titres sont explicites. Plus prosaïquement, et de façon indépendante des considérations qu'on pourrait faire sur la nature des choses composant le bousin cosmique, le choix des éléments sonores est aussi cohérent que leur combinaison est savante: En vrac, fluctuations caressantes, flou onirique, textures pures et lumineuses. Feels good man.

Aux émissions ondoyantes, aux ébullitions aquatiques et aux bourdonnements marins se mêlent des résonances mystiques et métalliques que n'aurait pas renié Peter Andersson, tantôt sereines, échos divins from outah'space, puis livides comme ces choeurs fantomatiques nous accompagnant lors de la plongée dans Fluid, le pendant sombre et abyssal d'Astral, tout en pesanteur, dans un silence de fosses océaniques habité de ténèbres un brin oppressantes qui auront à peine le temps de vous inquiéter avant de se faire dissiper par une apothéose véritable 100% seal of quality qui sonnera la fin de l'album. Oh et puis faite fis de mon verbe souffreteux et allez m'écouter ça.

Vous pouvez écouter ou télécharger l'album sur le bandcamp de l'artiste ou le contacter pour acquérir une copie CD limitée à 100 exemplaires. J'imagine que c'est encore une histoire de savoir caché de nature ésotérique.

23/05/2011

Monument - I (2010)


Surprenante découverte que j'ai faite via l'apocamix de l'incroyable lapin anti-gravité et que je m'empresse de partager ici. Il s'agit en fait d'une obscure release cassette (épuisée) en provenance du label Sol Y Nieve. Cinquante minutes d'un ambient black qu'on jurerait presque être une affection du dieu Paysage d'Hiver: On y retrouve l'esthétique lowfi propre à la production du suisse, son minimalisme tendance mystique et recueilli, les motifs guitares/batterie simples et itératifs (oui, le mot est à la mode je crois), soutenus ou entrecoupés de litanies grognées, de chuchotements mystérieux ou de choeurs sacrés qui m'ont immédiatement rappelé un certain Kristall & Isa, ainsi qu'au Malefeasance de l'Acephale dans une certaine mesure. J'ose la comparaison car il s'agit bien d'une oeuvre à la personnalité suffisamment marquée, toute à la fois contemplative, irréelle, religieuse et hypnotique -sur ce point la qualité dronesque de certains morceaux et ces quelques arpèges de piano y sont aussi pour quelque chose. L'orientation générale de l'album et sa relative "tempérance", si on le compare au caractère abrasif et exacerbé d'un Nacht ou d'un Winterkält fait qu'on n'y atteint pas les sommets vertigineux dessinés par la musique de PDH. Mais celle de Monument est suffisamment bonne, originale et inspirée pour mériter de faire un tour dans vos oreilles. Wrnlrd meets Wintherr, en rêve. Les amateurs de black/ambient y trouveront certainement leurs comptes, et même les plus réticents au genre pourraient être séduits par la magnifique piste qui clôture ce I, un de ces instants balayant en quelques notes toutes les velléités à retranscrire l'expérience musicale à travers le prisme des mots, ces minutes pleines d'espoir capables de revigorer la passion qu'on croyait refroidie pour un phénomène aussi fascinant et bouleversant que la Musique. Autant vous dire que je ne me fous pas de vos gueules.

Site du label: http://www.solnieve.blogspot.com/
Télécharger l'album sur le lastfm du groupe ou bien ici.

20/05/2011

Keiji Haino - 魂の純愛 (Soul's True Love, 1995)


This 4-CD Boxset features rare live and studio materials from three Keiji Haino's projects. It was *probably* limited to 500 copies.


Overall a must-have collectible item. If you like it raw.

Pour continuer dans la série d'articles consacrés à l'homme aux lunettes noires, voici un superbe cadeau au business de la part de DukeOfPrunes, spécialiste ès Haino. Cliquez sur l'image principale pour le télécharger.


16/05/2011

Keiji Haino - 慈 (Affection, 1992)






















Tuerie mi-acoustique/mi-électrique de l'homme aux lunettes noires, chantée d'une voix indéfinissable. Une heure, une piste, avec pas mal de répétitions obsédantes. La fin est juste ahurissante d'intensité, avec un mur sonore dressé par des guitares extra-terrestres. Ce type a été reconfiguré à sa naissance, y a des branchements reliés à des prises pas faites pour, il respire l'air d'autres planètes, c'est pas possible autrement.

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10/05/2011

Pan Sonic / Keiji Haino - Shall I Download A Blackhole And Offer It To You (live in Berlin, 15.11.2007)

























Sur le papier, cette collaboration entre le duo finlandais Pan Sonic et le japonais Keiji Haino m'a fait saliver comme un beau diable. Dans les faits, je serais un peu plus retenu : pour commencer le rendu sonore est pour le moins... étrange (on est loin de la prise directe, et ça s'entend), ensuite, et malgré l'orientation d'ensemble au demeurant très ambient, les parties noise/power noise de Pan Sonic sont parfois assez difficiles à digérer (quoiqu'il n'y ait rien de vraiment inécoutable en soi), surtout au regard de l'ahurissante qualité de ce qu'ils proposent sur le V avec Merzbow, moins marquée ici. En revanche, ce qui met en valeur cette performance, c'est une fluidité générale qui enchaîne naturellement les différents climats, avec une matière souvent diffuse, ambient, parfois brute, physique qui en émerge : le duo finlandais donne dans un abrasif certes rugueux et déconcertant, mais qui apporte suffisamment de contrastes, de dynamique, de variété pour ne pas devenir tout à fait rebutant. Des pulsations rythmico-ionisées rappelant la période Kulma/A aux hurlements de signaux qui vrillent puis se torsadent sans pitié ; des compressions de nappes en blocs de matière brute qui vous écrasent aux déchaînements sursaturés de bruits blancs de la piste finale, où tout explose dans une frénésie abrutissante, le quota des temps forts est bien rempli. Soutenus par les hurlements rageurs de Haino et ses murs de son "impactant" à la gratte, ils en deviennent souvent jouissifs. Mais ces derniers sont contrebalancés par une ligne directrice plus strictement ritual-ambient où, moyennant certains leitmotivs bien définis, trois ou quatre pistes, en un jeu d'échos récurrents, finissent par se répondre entre elles, tracer une certaine progression. Haino n'est pas avare en litanies et autres jeux de gorge angoissants, posés sur des climats électroniques aux modulations menaçantes quoique plus retenues, tout du long hantés par le spectre d'une sorte de flûte traditionnelle convoquant les brumes du passé, d'accords acoustiques doucement égrenés, surnaturels ; ainsi que par les touches froides, veloutées de mystérieux synthétiseurs rappelant un peu Supersilent (5ème piste)... avant de déboucher sur l'éreintante épiphanie finale, très, très perturbée. Au demeurant assez riche et fascinant, j'ignore si ce live, du fait d'un son vraiment bizarre et de moments assez fatiguant pour ce qu'ils ont à dire, durera très longtemps chez moi. A essayer, car dans tous les cas, il vaut vraiment la peine d'y jeter au moins une oreille.

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08/05/2011

Keiji Haino - Black Blues (violent version, 2004)




















Sorti le même jour que son corolaire "soft" sur le label français Les Disques du Soleil et de l'Acier, ce Black Blues propose les mêmes titres - qui s'avèrent des reprises, rendues méconnaissables, de blues américain d'avant-guerre, ou de chansons d'Enka, musique populaire japonaise datant de l'ère Shōwa - disposés dans le même ordre que ceux de son homologue acoustique, mais amplifiés, cette fois, et hurlés d'une voix âpre, douloureuse, étranglée. Ne possédant qu'une seule partie du diptyque, je serais bien incapable de mettre cette version en relief avec l'autre. Néanmoins, je souhaite vous faire part de cette musique stupéfiante, quitte à rattraper le coup plus tard. Ce qui frappe ici, c'est moins le scrupule porté sur la mélodie, le "feeling" que sur une approche plus ouvertement physique, fiévreuse, "ritualiste". Compulsivement, à force d'insister sur un même pattern, Haino le transforme en un obsédant leitmotiv qui, lui aussi, ne cesse de changer et de se ressaisir, pour mieux s'épanouir dans la matérialité pleine, certes, mais soufferte et meurtrie d'un son pur, pure résonance et réceptivité crûment, violemment arrachés de ces lanières de guitares aux claquements secs, auxquels on n'adjoint aucun effet, n'était cette légère, anecdotique réverbération. Je n'ai jamais entendu chose analogue : le matière développée ici semble tenir sur trois fois rien, de par sa brute, inhumaine austérité, et pourtant, pourtant, cette dernière recèle une richesse captivante, bouleversante... pareil à Hendrix, Haino me semble être investi d'une vision personnelle, irréductiblement singulière et viscérale de la guitare, poursuivant une quête sonore qui appuie sur chaque fibre, chaque point névralgique : les accords de vive force arrachés vibrent nus, à fleur de peau ; leurs aigües crispent, poinçonnent et roidissent la nuque, quand enchaînés de plus en plus rapidement ils ne forment plus qu'une ligne au grain fluide et hurlant, funeste, comme si on cherchait à t'arracher de force le système nerveux, malgré les cris de désespoirs, de l'être qui se débat et freine des quatre fers, tourmenté par l'inéluctable... plus on s'avance dans cette cure, plus la fataliste intensité augmente d'un cran. Ainsi les bouleversants Drifting et See That My Grave Is Kept Clean, point de non-retour où quelque chose d'impossible cherche à s'extraire, à advenir ; et dans ces accalmies irréelles, rien qu'un ineffable vent de rouille soufflant sur la pâle surface des choses... à l'instar de celle jouée par Coltrane, cette musique ne semble avoir de raison d'être que motivée par la plus pressante, vitale des nécessités... par ailleurs, pour qui souhaite se familiariser avec le bonhomme, humble et sobre à bien des égards, une interview très intéressante traîne sur la toile, disponible ici .

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06/05/2011

The Jazz Composer's Orchestra - S/T (1968)
























Ce disque n'est pas un disque (c'est pour cela que je l'avais proposé il y a fort longtemps à Ego), c'est un capharnaüm lyrique de milles complaintes s'élevant et se répondant dans des bourrasques d'intensité pure, déferlantes majestueuses de sang et de fer qui, pourtant, réalisent l'exploit de ne jamais rebuter une seule seconde. Cette chronique n'en est pas une (NON SANS BLAAAGUE), et comme je suis trop vanné pour faire un quelconque effort, je vous renvoie à celle du site Guts of Darkness, très complète et très bien faite. Tremblez mortels...

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05/05/2011

Æthenor - En Form For Blå (2011)






















En parlant du loup, je me suis dit qu'il serait intéressant de vous faire partager ce dernier essai d'Æthenor, d'une pour celui qui voudrait mettre les choses plus en relief avec ce qui a été dit plus bas, et de deux pour annoncer qu'En Form For Blå (alt + ctrl + caps lock 0 pan dans la gueule), ce live donné à Oslo sur trois sessions réparties en Avril/Juin 2010 par des expérimentateurs gravitant aux marges de la scène metal, concrétise les acquis du Faking Gold and Murder en un disque porteur 1) d'épanouissement esthétique et 2) de superbes promesses, à la fois pour ce qu'il inspirera (du moins je l'espère) et pour l'avenir du groupe, qui s'annonce radieux. En effet Æthenor à la base c'est un all-stars-band qui, jusqu'à la rupture FGM, chiait un peu dans la colle avec des jams entassant à l'aveuglette collages électroniques et bidouillages qui ne savaient pas plus que moi où ils voulaient en venir. De septette sur FGM on passe ici au quartette : on retrouve les habituels SOMA (aux bourdons, what else ?) et O'Sullivan, qui, pour l'occasion, a ramené son poto Kristoffer Rygg (Ulver) soutenir son Fender Rhodes. Le duo Suisse Buttercup Metal Polish laisse les baguettes au batteur de free-jazz anglais Steve Noble (Tongues of Fire et les power trio N.E.W., DECOY), qui réalise ici une performance assez ahurissante, aussi bien au regard de ses prédécesseurs que de son répertoire habituel (à noter, dans le courant de l'année, SOMA et Noble ont joué ensemble au café Oto, dont la performance est disponible ici). Rygg ne chante pas, mais le vide laissé par David Tibet est très largement comblé par les instruments en présence, au langage autrement plus pur (la musique se suffisant à elle-même).

Je serais laconique (et non lacanien), auquel cas je perdrais trois plombes en descriptions à rallonges, car cette musique se caractérise par une prolifération affolante de détails qui vont et viennent en tapis ductiles, ou qui, agglomérés et cristallisés, s'élèvent en masses sonores majestueuses, figeant le temps et saturant l'espace comme les épiphanies d'un live de Supersilent.
Cette performance improvisée peut se décomposer comme suit : à ma gauche, le duo Rygg/O'Sullivan constitue l'axe ambient : ces derniers tissent des trames électroniques denses et perpétuellement mouvantes, réverbérées la plupart du temps, tantôt sourdes et graves, tantôt miroitantes, comme, au Rhodes, ces gouttelettes montantes et descendantes qui s'éploient en frémissantes mélodies sur "One Number...", les scintillations de "Something To Sleep...", les efflorescences inouïes de "Vyomagami Plume" qui sitôt se rétractent, jalouses de leurs secrets... certaines mélodies diaprées, qui grelottent en liquides iridescences, me rappellent le Mirage de Klaus Schulze... d’autres, se déployant en profondes et moelleuses nappes émaillées de babils mystérieux, pourraient rappeller Coil.
A ma droite, SOMA, c'est le côté plus rock'n'roll d'En Form For Blå, qui n'hésite pas à tout emporter dans des déflagrations de speed-drone qui tachent (à la Pentemple), ou à moduler quelques bourdons mixés plus en retrait, comme une menace sourde.
Et en face de moi, Steve Noble est le pivot, l'homme participant aussi bien du côté ambient avec ses cymbales prolixes, ses soubresauts isolés, épars et clinquants, ses cellules rythmiques qui, peu à peu, se reprennent en d'intriguant leitmotivs (genre butor en pleine parade amoureuse) ; que du côté plus rock, viscéral de la performance, lorsqu'il soutient O'Malley avec ses explosions en staccato, mur sonore statique, régal de pataugeade et d'intensité, me rappelant un peu les tatanes rythmiques d'un Elvin Jones très en forme. La production de tout ceci est excellente : mise en valeur de chaque instrument en présence, éradication des bruits parasites et de tout ce qui pourrait troubler l'exceptionnelle fluidité d'une telle performance. Car, à l'instar d'In A Silent Way, tout ne cesse de s'écouler, de changer, de se brosser en paysages liquides, énigmatiques, comme d'aquarelles sonores - la forme est fluide, le sens l'est encore plus.

Bon appétit.

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02/05/2011

The Lounge Lizards - s/t (1981)


Après l'avoir particulièrement remarqué dans Stranger than Paradise et Down by Law, que de tristesse je fus parcouru quand je vis que John Lurie n'avait pas non plus tourné dans pléthore de films. Décidant de surpasser au plus vite ce tracas, je me rappelai qu'il était aux manettes pour les bandes originales de ces films (au moins un) et constatai qu'il savait jouer de l'alto.
Les lézards de salon étaient donc composés à l'époque, de gauche à droite, de Arto Lindsay (guitare, ex-DNA), Evan et John Lurie (claviers et alto), Anton Fier (batterie) et Steve Piccolo (basse).
Et ceci correspond probablement au jazz que je préfère : tout à fait savant et capable d'introspection, dans la dérision grotesque (Do The Wrong Thing) ou dans l'hommage appuyé (les deux interprétations zorniennes de thèmes monkiens*). On trouvera aussi de ces morceaux stéréotypés jazz urbain mélancolique comme les deux premières pistes de l'album ou la ballade. En vérité, en y réfléchissant, je dirai que la volonté des artistes a été d'offrir une palette assez complète (quasi-scolaire ?) des registres dans lequel le jazz peut opérer, de la ballade mélodramatique au grand bordel dont on a perdu la trace de la raison, moqueur, obsédé, fiévreux et emmerdeur.

Très agréable surprise donc, intéressant pour les initiés mais aussi très accessible aux novices me semble-t-il. Je suis toutefois d'accord avec les quelques critiques que j'ai lues qui déplorent la moindre présence d'Arto Lindsay que ce qui était initialement prévu, assez dantesque pour tout ce que j'ai écouté de lui jusqu'à présent.

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*Très S-F tout ça