26/03/2014

Chubby Wolf - Ornitheology (2010)

Avant de poursuivre l'exploration de la discographie de l'ex-duo Celer (actuellement projet de Will Long, seul homme à la barre), attardons nous sur l'un des albums de Danielle Baquet-Long, aka Chubby Wolf, moitié féminine de Celer jusqu'à son décès en 2009.

Ornitheology brille d'abord et surtout par la qualité de sa première piste qui propose une synthèse intéressante de ce qu'il y a de plus grisant dans la collaboration musicale du couple. On Burnt, Gauzed Wings, puisque c'est sa puissance qui justifie cette entrée, s'illustre par une dérive onirique se rapprochant des Four Pieces mais tranchant par des nappes chargée d'un peu plus de matière et présentant un aspect que j'aurais tendance à qualifier d'automatique, faute de mieux. Si la densité du son rapproche l'album des productions les moins épurées du duo, les mouvements d'ondes délayées s'opèrent ainsi sur un mode similaire aux très minimalistes a Couple of Swells et au Noctilucent Clouds, où les masses mouvantes glissent et s'élèvent selon des schemas aussi indiscernables que ceux du ciel.

Phantasmagoria Of Nothingness présente le même jeu de sonorités douces déployées sur une structure plus linéaire et dronesque. Je vous laisse juge de la pertinence et de l'habileté de cette déclaration, mais je ne peux m'empêcher de constater le contraste entre les couleurs presque euphoriques que prends cet Ornitheology et les teintes (évidemment) mortuaires et languissantes des productions plus récentes. L'abandon se fait ici avec le sourire. Anéantissement tout confort.

Peut-être pas aussi indispensable que les albums précédemment cités, c'est quoiqu'il en soit un album d'ambient de grande qualité bénéficiant de la facture Celer : Doux, subtil et irréel.

Écouter ou acheter ici

01/03/2014

Yoga - Skinwalker (2012)


Précisons d'abord que le présent album ne contient pas de pistes inédites : L'absence de précisions sur le site du label Holy Mountain m'a initialement induit en erreur et je m'étonnais franchement que la sortie de ce que je pensais être l'héritier du formidable Megafauna ne fit pas au moins autant de bruit, avant que Deneb-tala, merci à lui, me précisait qu'il s'agissait en fait d'une réédition LP du contenu de l'album éponyme et du split avec Ghäst, tout deux sortis en 2008. Ceci étant dit, ne boudons pas notre plaisir, car la qualité du contenu valait tout à fait le pressage. L'homme aux milles potards ayant déjà réalisé une analyse en détail de Megafauna et de la nature si particulière de la musique de Yoga, il m'a semblé bon d'éviter la redite et d'épargner à nos lecteurs un billet qui ne ferait au final que le paraphraser : Penchons nous donc sur Skinwalker et son mélange unique a la croisée entre black metal, dark ambient et pop hypnagogique.

 L'utilisation d'éléments black metal, pas exclusive mais tout de même proéminente sur Megafauna, est ici beaucoup plus rare, en tout cas moins évidente à desceller dans une masse fluctuante et volatile de field-recordings sur-modifiés et de sonorités synthétiques proto-humaines et insaisissables. Trois pistes sur les huit composant l'album répondent par des structures clairement black ambient, sur une base de batterie mid-tempo, de motifs bouclés hypnotisant tissés sur une trame de tape-work : Le Littlefoot et sa batterie pleine d'echos, The Necromancers Goblin Ha' et son arpège phasé et etouffé, et le très planant Emin and Anakim, black ambient lovecraftien de derrière les mangroves pour ceux qui chuchotent dans les ténèbres avant de décoller vers d'autre plans pour passer le salaam (par ondes gsm, vous comprendrez) au gros Azat' et ses joueurs de flutiaux. Qu'on s'entende donc, du black ambient, mais à la Yoga, donc sans vraiment de comparaisons possibles et qui étouffe un peu dans l'oeuf de part sa pertinence tout projet blackoïde qui se voudrait vraiment lovecraftien (de rien, c'était gratuit).

Le reste des pistes fonctionne sur le même mode : Fondamentalement louche et hors de ce monde. Qu'il s'agisse du scintillant Lemurian Dreams et de sa ouate de songes tropicaux, le bien nommé Cosmic Safari ou le délire lofi de Mothman, c'est toujours le fourmillement de sons extra-terrestres qui frappe par sa grande bizarrerie. Là encore musicalement les points de comparaison ne sont pas légion : Matrix Metals et Ferraro évidemment (Clear surtout), mais le ton n'est pas le même, quoique la méthode très semblable. Dans une certaine mesure, mais beaucoup moins touffu, Fungi from Yuggoth (ici chroniqué sur Abet Cuces), sorti la même année que cette réédition, rappelle vaguement les visions hallucinées et colorées de l'ambient cryptozoologique de Yoga.

Difficile ainsi de restituer avec justesse cette qualité de Skinwalker (qui désigne, dans les légendes amérindiennes, une personne ayant le pouvoir de se transformer en bête à volonté) à illustrer la notion d'indicible et d'évoquer l'attirail du fantastique à la Lovecraft via une mise en oeuvre et des thèmes originaux, exploités à nouveau dans Megafauna de façon plus palpable, si je peux m'exprimer ainsi à propos d'un objet comme celui-ci.

 A écouter et acheter en digital ici.

 Pour le LP, c'est sur le site de Holy Montain que ça se passe.