24/06/2011
Supersilent - 4 (1998)
Outre une musique qui s'avère, à chaque album, irréductiblement singulière en terme d'atmosphères et de couleurs, Supersilent a ceci de particulier que le minimalisme de leur artwork ne révèle rien qui pourrait traduire une réflexion des artistes sur leur propre musique. La pochette est un monochrome qui ne délivre que les informations essentielles (code-barre inclu!); l'intérieur du livret révèle, quant à lui, d'informes et désinvoltes gribouillages. L'auditeur n'a donc affaire qu'à lui-même, aux interprétations qu'il formulera a posteriori pour qualifier la musique (lesquelles, bien entendu, n'engagent que lui). Logique, au fond, puisque l'essence du projet réside dans l'improvisation libre. Pourquoi en effet ces types devraient parler de leur musique ? Ils se réunissent, et jouent. Point barre.
Pour moi les membres de Supersilent sont des créateurs d'oeuvres ouvertes. Des mediums nécessaires à ce que l'évènement musical, pur de tous référents extérieurs (de tout ce qui ce pourrait induire préjugés et préconceptions) vienne à la présence, s'offre au sujet dans toute l'opaque densité de son mystère, d'un sens qui se cherche, encore et toujours, fascinant, captivant... ou aveuglant, lorsqu'enfin il éclot et se dévoile, indubitable, inexprimable, dans une rayonnante et bienheureuse épochè... d'une musique dont je ne serai pas surpris d'apprendre qu'elle constitue, aux yeux de ses géniteurs, un être autonome et absolument détaché de ce à quoi ils s'attendaient, produit de leurs impulsions. Une sorte de "laisser-être", si l'on veut.
Bon, si Supersilent sur ce 4 se fait nettement moins violent et bordélique que sur le 1-3, manifeste extrémiste et sauvage dans le non-concessif, il n'en reste pas moins radical, rigoureux, et assez intéressant, quoique relativement anecdotique (peu de ces moments hors du temps qui, pour moi, font le sel de Supersilent). Toujours cette même dualité entre un versant "ambient" ici légèrement accentué (la diffuse et pulsante 4.1, l'inquiétude captivante de 4.2, avec ces superbes textures de Ståle Storløkken débouchant sur une fin haletante) et de parties plus rentre-dedans, qui exige que l'on suive d'une oreille attentive tous ces détails qui fusent et rentrent fiévreusement en collision... les trames, denses et composites, témoignent toujours de ces incessants télescopages de sonorités hétérogènes, grouillantes, supersoniques, tantôt abstraites (les modulations noise agiles et rétractables des machines) ou chaleureuses (la trompette qui temporise, le jeu étonnant Vespestad), mais souvent pertinentes, parfois moins, pour peu que l'on fournisse l'effort de concentration nécessaire... ce 4, s'il décrispe en partie la rage et la fureur du propos initial, ne fait que le rendre plus digeste (3/4 d'heures aussi, ça aide).
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