29/11/2010

Wrnlrd - Mldthr (2006)


La rareté des apparitions de Phoebus semblant déplaire à quelques frileux maussades qui grelottent ici bas, je me sens donc dans l'obligation de ne pas les réchauffer et d'apporter encore un peu plus de ténèbres infernales qui engloberont une fois de plus ce frauduleux business. Et quoi de mieux pour cela que de parler de ce proche parent ésotérique et mentalement atteint de "Tentacles of Whorror"? Si Leviathan est un monstre, alors Wrnlrd est un possédé. Et de toutes ses productions que j'ai eu la chance d'écouter, celle-ci est à mon sens la plus fascinante.

Mldthr, quoi d'original là dedans si ce n'est le délire numérologique? Car dans le fond, les compositions black de la chose sont très classiques, et jouées de façon on ne peut plus traditionnelle. Riffing primitif, trémolos approximatifs, tempo bipolaire. Agression supersonique ou mid-tempo sournois. Ça claudique comme dans "Myrmidon". J'entends par là une maîtrise bancale qui s'assume pleinement sans user d'artifices pour s'oublier. C'est foutraque, mais c'est habité, et c'est l'essentiel. On mélange à cette base plus ou moins saines des éléments dark ambient grésillants, se révélant efficaces lorsqu'ils tournent seuls mais qui trouvent leur intérêt intégrés dans les déflagrations black sus-citées. On ajoute ensuite les hurlements sursaturés et ininterrompus d'un fanatique en pleine crise mystique. Et on agrémente de divers feedbacks, d'échos spectraux, de samples nauséeux, de hululements et de cris suspects qui résonnent dans ce paysage exiguë où l'au-delà s'y déchaîne, peinture sonore d'une cellule noire ouverte sur l'infini dans laquelle flotterait un persistent parfum d'encens, de sang, de blasphème et d'ectoplasme. Une alchimie suffisamment douteuse qui aurait pu faire de ce Mldthr un album simplement bon si la production, singulièrement synthétique, n'ajoutait pas un certain cachet le rendant encore plus original.

Paradoxe difficilement exprimable d'un son typiquement black mais effrontément lisse et numérique, jamais vraiment nécrosé, ni massif, ni étouffant, ni même explosif, et pourtant loin d'entamer l'intensité générale. Très peu d'effets de textures sont volontaires. Ça grésille, et pourtant c'est plutôt propre et retenu, même si on assiste à quelques débordements lors des brèves accalmies procurées par le ralentissement de la pulsation terriblement sèche et mécanique de la boite à rythme, comme si le flux d'immondices profiterait de ne plus être martelé pour se répandre en dehors du corset qu'on lui a tricoté et exposer sa vraie nature à nos oreilles écorchées par des lignes de guitares tellement gorgées de vices qu'elles tenteraient vainement de les camoufler derrière une contenance ironique. Ce parti pris, peut-être discutable transfigure la chose en une transe hallucinée, instable et polypmorphique mot compte triple, qui cogne ici comme une bête muette, diffuse là sa laideur vaporeuse, dévore et lèche comme une flamme les recoins de votre âme pour y déverser la Folie pure. Et c'est rigolo.
Mystère en plastique fondu, métempsychose* de synthèse? Je ne sais pas, mais je recommande.

*(Kassdédi pour celui à qui j'ai peut-être puisé dans le capital chroniques...)
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19/11/2010

Deathspell Omega - Paracletus (Norma Evangelium Diaboli, 2009)


"Maudits soyez vous, qui espérez le jour de l'Eternel. Pourquoi auriez-vous le jour de l'Eternel ? Il sera de ténèbres, et non de lumière."
Amos 5:18

Voici le dernier volume. L'intercession du Malin se substituant à l'Esprit Saint, Paraclet du nouvel âge. Beyond this threshold, life exhausts itself, loves itself.

Sur l'innocence morte, les juges pullulent, les juges de toutes les races, ceux du Christ et de l'Antéchrist, qui sont d'ailleurs les mêmes, réconciliés dans le malconfort.

L'apocatastase, contre-jugement, retour perpétuel, condamnant la vertu au deuil et à la solitude éternels, au silence de l'abîme annoncé par le départ du Rédempteur ressucité ; tandis que celui qui reçoit à temps la révélation, jouit éternellement des raisins de la perdition.


Paracletus est un magnifique chant du cygne, l'annonce d'une fin et, sans doute, d'un recommencement. Difficile de ne pas entendre cet album comme un ultime climax, musical comme intellectuel. Paradoxalement, c'est à la fois l'opus le plus violent et le plus mélodieux du groupe depuis le début de la trilogie. C'est aussi le plus abouti et le plus simple. Deathspell Omega s'est débarrassé de ses derniers mauvais réflexes, a épuré sa ligne de travail pour aller droit à l'essentiel et densifier au maximum son propos sonore. En 42 minutes, tout est dit, et le groupe tire sa révérence par un final grandiose, pétrifiant de majesté.


En une phrase : Here is the pit, here is your pit! Its name is SILENCE...

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13/11/2010

Coil - Horse Rotorvator (1986)



Trêve de plaisanteries, il est temps de faire honneur à notre nom, avec ce premier chef d'œuvre de Coil, en partageant de la came putain de sérieuse. Indéniablement dérangé et dérangeant, Horse Rotorvator n'en est pas moins un album extraordinairement fun et goûtu, façon grande bouffe, festin de décadence irrésistible. L'album sait aussi nous faire perdre nos moyens à force de sincérité et de beauté pures, comme le montre le morceau Ostia, dédié à la mémoire de Pasolini. Le groupe se réclame également de la descendance de Leonard Cohen, avec la reprise de Who By Fire: sacrée lignée que voilà. Coil s'abandonne sans retenu à sa créativité, sacrifie à l'autel de l'absurde et du grotesque, et se fait tout à la fois bouffon du roi, troubadour et gigolo. Et puis, il y'a Penetralia, peut-être le meilleur morceau du groupe, monstrueux de vice ; il n'est pas mal aisé, à ce stade, de dresser le parrallèle avec Swans et consorts. Animal, furieux, et, par dessus tout, filthy as fuck, Horse Rotorvator est la caverne d'Ali-Baba des égouts de l'humanité.

12/11/2010

Lucifugum - Sociopath: Philosophy Cynicism (Propaganda, 2004)



Les Ukrainiens, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît. Et c'est ce qu'on aime chez eux, d'ailleurs. Plus le temps passe, plus je me dis que la seule cause de qualité ou de merdicité, en ce qui concerne le Rock et ses dérivés, c'est la conviction. Là où une scène de mollusques franchouillards se contente de repomper une énième fois Darkthrone pour faire peur aux mémés avant de reprendre une bière, le salut vient de l'Est. Parce que le peuple a pu souffrir préalablement, la haine peut ressortir lorsque le dernier verrou saute.
Sociopath : Philosophy Cynicism, c'est ça. C'est suivre des codes simples, parce qu'on n'a que ceux-là, mais les suivre jusqu'à la mort. Lucifugum hurle son intégrisme, son dévouement corps et biens à la cause du Black Metal. Mystique naïve d'adolescents de 30 ans qui n'ont que celle-là à laquelle se raccrocher. Le satanisme est une voie par défaut, et c'est ce qui en fait l'unique voie possible.
Tout ça ressort en quelques dizaines de minutes. Sociopath : Philosophy Cynicism est un album fascinant de brutalité implicite, de haine incontrôlée, de riffings bordéliques et d'enregistrement approximatif. Il dégage une énergie palpable, aussi concrète qu'une brique dans la gueule. Aussi kitch, ridicule et intenable que soit le discours, musical et tout ce qui l'entoure, les mecs le tiennent comme une ligne d'horizon. C'est terrifiant.

Pour vous faire une idée, le groupe a eu la bonne idée de nous offrir un clip qui résume à lui seul tout le génie de l'album. Regardez-moi un peu ce bijou (et si vous croyez que c'est une blague, sautez les deux premières minutes) :



En une phrase : je viens de me rappeler pourquoi j'aimais le Black Metal.

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07/11/2010

Dødheimsgard - Satanic Art (1998)



Sous les griffes de Vikotnik, les myriades célestes tourbillonnent comme autant d'éclairs enragés. Déjà la démentielle et jouissive bouillie multicolore de 666 International. J'ai un fantasme récurrent à propos de Traces of Reality. Je m'imagine cet hymne à la démence scandé par une marquise d'un autre âge, aussi glorieuse que grotesque: poudrée, mouchetée, arborant en somme tout le tin-touin de mise, elle hurle à s'en arracher les poumons, alors que ses yeux vomissent des étoiles. Sa gigantesque robe bouffante virevolte majestueusement façon Danse Serpentine. Cette marquise, c'est Aldrahn, le vocaliste de DHG, et le Ol' Dirty Bastard du black-metal. La dévotion même. À sa quête des mystères de l'âme, il sacrifie jusqu'à sa sanité d'esprit. Cette âme, il faut la vomir, coute que coute: il n'y aura pas de satisfaction, pas de fin, tant qu'elle ne luira pas à nue sur un plateau d'argent. Catharsis impossible, démesurée! Cordes vocales, accouchez.

Dødheimsgard - Monumental Possession (1996)



Un monument de pure jouissance sataniste décomplexée, hell yeah! Crossover black/thrash de très bonne facture, Monumental Possession s'apprécie comme un bon vieux rap old-school, genre Ultramagnetic MC's: le kitsch et le surfait font partie intégrante du délire et, de fait, on les accepte sans rechigner. L'expérience n'en est que meilleure. Seuls les gimmicks diffèrent: là où Kool Keith et ses acolytes passent leur temps à nous expliquer qu'ils sont les meilleurs MCs du monde, DHG nous raconte ses déboires avec Satan. Les Ultramagnetic MC's avaient les beats révolutionaires, Vikotnik a les riffs qui tuent. Oui, décidément, la comparaison tient la route. Une fois n'est pas coutume, voilà une tranche de metal bien rafraîchissante et fun.