18/07/2010

Anton Bruckner - Symphony No. 4 in E flat ("Romantic"), WAB 104 (various versions)



Croyez-vous seulement qu'on puisse parler d'une telle œuvre en quelques mots, pire, encore, en paragraphe entiers ? Je ne me sens pas le courage de présenter toutes les courbes et les aspérités d'une telle cathédrale sonore aussi imposante qu'écrasante. La symphonie n°4 est trop grande, investie d'un souffle par trop inhumain et paroxystique pour que le langage puisse en supporter la marque. Aussi, seul un silence visionnaire serait le plus à même d'en exprimer l'expérience vécue, subie et adorée. La vision qu'en a Celibidache, tout en tempi d'une lenteur extrême, respecte et sublime l'écriture brucknerienne, basée sur la rétention des charges pour leur libération dans un seul et irrépressible mouvement, explosions libératrices emportant l'âme et abolissant la raison. L'unité d'une telle œuvre est un véritable prodige formel ; en effet, celle-ci se construit, se bâtit et s'élève dans une juxtaposition de sentiments tempétueux, contradictoire, mais d'une juxtaposition trouvant une intégration - miraculeuse ? dans une forme monumentale surpassant la somme des parties et les oppositions internes. Plus l'écoute progresse, et plus le sujet s'élève à une hauteur vertigineuse, aux ordres d'un langage musical s'enrichissant, à chaque succession de phrases et de phases, d'une tension à l'absolu toujours plus exacerbée. La 4 demeure l'œuvre mystique par excellence, et quand je dis "mystique", ici le mot reprends toute sa portée : comme si Bruckner, pour retranscrire l'extase, l'extase blanche et terrible, celle-là même qui rompt le principe individualisant, forgeant et formant l'âme en fusion de l'individu parvenu à la pointe de l'harmonique ; ne trouvait dans la contemplation (le motif final, faîte et pointe de l'édifice, n'est autre que la reprise du premier mouvement) que le seul et unique moyen d'atteindre, et de demeurer dans, cet état de trépidation vertigineuse, indicible, et salvateur. La musique de Bruckner, c'est l'aorgique, l'ivresse suprême du désorganique se confondant à l'extrême pointe de l'organique, de cette organisation interne impliquant l'opposition entre les différentes parties de la totalité considérée. Inégalable et insurpassable.

PS : ne vous laissez pas abuser par l'image de disque : en effet, le post mis ici à disposition est en fait extrait d'un double CD présentant et la symphonie n°4, et la symphonie n°9, l'une jouée par le Stuttgart SWR Radio-Symphony Orchestra ; et l'autre, par le Munich Philharmonic Orchestra. Un double-cd à la couverture bleue, mais trop petite pour supporter sa place ici.

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