02/04/2011

Extrait d'une lettre à Isaac Von Sinclair, 24/12/1798


[...] J'ai parcouru ces jours-ci ton Diogène Laërce. Il m'a fait sentir une fois de plus que le côté éphémère et changeant des systèmes humains me paraît presque plus tragique que les destins, considérés généralement comme seuls réels; et je crois que c'est naturel, car si l'homme, dans son activité la plus personnelle, la plus libre et jusque dans sa pensée la plus autonome, dépend des influences étrangères, et si cette pensée même est modifiée par les circonstances et le climat, ce qui est incontestable, où donc peut-il encore exercer sa souveraineté ? C'est une bonne chose d'ailleurs, et même la condition première de toute vie et de toute organisation qu'il n'y ait aucune force monarchique au ciel, ni sur terre. La monarchie absolue s'annule partout elle-même, car elle est sans objet; elle n'a d'ailleurs jamais existé au sens strict du terme. Toute chose, dès qu'elle est agissante, s'amalgame et souffre, donc même la pensée la plus pure de l'homme; et rigoureusement parlant une philosophie a priori, totalement indépendante de toute expérience, est un pur non-sens, tu le sais, tout autant que la révélation positive, où tout tient à celui qui la fait, tandis que celui à qui la révélation est faite ne peut se permettre le moindre geste pour la recevoir, sinon il y mettrait déjà quelque chose du sien.
Tout produit et toute conséquence est le résultat du subjectif et de l'objectif, du particulier et du tout, et c'est justement parce que dans un produit la part du particulier ne peut jamais être complètement distinguée de la part qu'y tient le tout, que chaque objet particulier est intimement lié à un tout et qu'ils ne font tous deux qu'un seul ensemble vivant, intégralement individualisé, et constitué de parties à la fois autonomes et intimement, éternellement unies. Sans doute, de n'importe quel point de vue défini, l'une quelconque des forces autonomes du tout sera prédominante, mais elle ne sera que temporairement et jusqu'à un certain point.

2 commentaires:

  1. Cohérentisme métaphysico-mystique, ah! et puis quoi encore, on dirait un théologien qui en appelle à la physique quantique pour établir Dieu. uhu.

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  2. rien à voir, surtout quand on connaît le hölderlin satiriste, impitoyable lorsqu'il s'agissait de dénoncer les systèmes théologiques "scolaires" qui sévissaient à son époque. pour saisir la dernière partie de ce fragment, il faut se pencher sur ses essais (traduction d'antigone et de sophocle, mais aussi et surtout les fondements d'empédocle) qui anticipent, encore une fois, certains points de vue nietzschéens... mais avant de les retranscrire, je compte mettre à votre disposition quelques hymnes de la grande époque, particulièrement impressionnants...

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