05/03/2011

Aethenor - Faking Gold and Murder (2009)























Attention, chronique béhemoth en approche pour un all-stars band international qui, jusque là, s'était contenté de pondre des trucs très en dessous du potentiel de ses membres ("bah c'est pas un all stars-band pour rien", diront les mauvaises langues). Comment, je vous le demande (attention, ça va être long), comment ne pas trépigner à l'idée d'une collaboration entre les désormais mondains Stephen O'Malley et David Tibet, qu'on ne présentent plus (normal, ils sont mondains), Daniel O'Sullivan (Guapo, joli rip-off de Magma, mais chut c'est lui au Fender Rhodes qui dispense de ses superbes textures), Alexander Tucker et son blues/folk zarbi, la paire rythmique ici ahurissante de finesse et de liberté du duo Nicolas Field/Alexandre Babel (buttercup metal polish in da place) - toute à la fois colonne vertébrale et partie prenante de l'atmosphère développée dans cet enregistrement - avec enfin Vincent de Roguin, fondateur du groupe, membre des Shora, Odio Terz et dont l'œuvre, au carrefour de la musique concrète, électronique et répétitive est obnubilée par la question de la narration, du réel et du point de bascule de ce monde-ci dans l'autre ? Et comment ne pas être amèrement déçu par les précédents "Betimes Black Cloudmass", "Deep Into the Ocean Sunk the Lamp of Light" qui, sans être intrinsèquement mauvais, manquaient cruellement de direction, de vision et de liant ? On se retrouvait alors en mode "head scratching" (comme disent les ricains) devant des achalandages électroniques hasardeux, ennuyeux et tâtonnants - à tout le moins peu convaincants dans leurs enchaînements et leurs proliférations sonores éthérées, qui, faute de pertinence et de direction, tombaient irrémédiablement dans l'oreille d'un sourd (endormi de surcroît).

"Faking Gold and Murder" est un sursaut, un point dans la discographie du groupe qui se transcende (ou qui s'est tout simplement sorti les doigts du cul) en incorporant les éléments des deux précédents essais, et, d'une formule trouvée, d'une maturité enfin atteinte, de transfigurer le projet en quelque chose, il faut bien le dire, d'assez monstrueux, de plus violent et suffoquant que ce qui le précédait. Je pense qu'ils ne s'y sont guère trompés : "En Form for Blå", leur petit dernier sorti cette année, continue de placer la barre haute. Et c'est tant mieux.

"Faking Gold and Murder" donc, propose quatre "improvisations", que je soupçonne plutôt mi-écrites/mi-improvisées. Quatre improvisations difficilement descriptibles, d'une part parce qu'elles ne font en quelque sorte qu'une tant le fil narratif demeure tendu comme celui d'Ariane, où chaque morceaux est une "zone" à lui tout seul, où chaque instants se succèdent et s'écoulent fluidement dans une égale fascination, une égale tenue en haleine; et, d'autre part, tant les détails, non content de jaillir profus de tous côtés en densifiant une matière sonore ample et ductile, en perpétuelle recréation - sur le sol, grouillant, rasant, courant et proliférant (la première piste); au plafond brillant, tintant, clignotant et tintinnabulant, sous la forme de pâles et Messaiennes lumières qui guident le voyageur dans une antique cité souterraine s'ouvrant, en face de lui, aux solennels sons de gonds et de vétustes mélodies (deuxième et première piste); et droit devant lui, échos et résonances de toutes sortes, sonorités amples et graves, comme d'un vent circulant dans les abîmes ou d'obscurs corps chutant au fond de puits abandonnés (la Moria quoi) - tant ces sons, disais-je, non content de faire cela et bien plus encore (je vous passe le foisonnement des timbres, des tons et des variations), s'allient dans une espèce de formule oxymorique fascinante, quasi-constante, très Supersilent-esque dans l'âme, mariant le chtonien et le céleste, l'âcreté limite noise de certains phénomènes sonores non-identifiés, de cloaques minéraux, suffocants, où chaque composants se condensent et se cristallisent en une masse sonore inhospitalière (la troisième piste, monumentale); et le recueillement surnaturel de la piste finale, où Tibet, extatique, récite, d'une voix ayant délaissé son aigreur pour un ton plus recueilli et aérien, des textes surnaturels sur d'amples et fondantes plages ambient (Coil n'est pas loin à ce stade), où éclosent de lumineux drones en bourgeons liquides, stellaires, là, tapis iridescents, en suspension dans le vide, cœur du sépulcre où s'achève notre voyage ...

J'aimerai souligner, en guise de pseudo-conclusion (car en toute choses et surtout en musique, la connerie est de conclure), et puisque je ne pense pas l'avoir encore fait, le remarquable travail d'ambiance et de dynamisme fourni par la fabuleuse paire Field/Babel. Un exemple parmi tant d'autres, mais qui me semble être le plus représentatif (et qui m'évitera d'être trop disert, pour une fois - comment ça "pénible" ?! allez vous faire foutre) : la piste trois; où les deux batteurs, suivant en cela une structure qu'on jurerait inspirée du Persephassa de Xenakis, redoublent de virtuosités afin, de leurs frappes sèches, mates et nerveuses, de donner l'illusion de papillons de nuits se heurtant patauds à la surface d'une lampe. Inexorablement, ces dernières se rapprocheront en étrécissant peu à peu leurs intervalles (effet claustrophobique garantie, avec amoncellement de détails courant entre la chair et l'os), et, lorsqu'elles finissent par se confondre dans une confusion assourdissante, d'exploser et de tout emporter dans une tempête free mémorable. Geuh. Après avoir écouté ça, m'est avis que vous pourrez claquer en paix (ah bah non, tiens, j'ai encore le live Supersilent à vous présenter).

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