08/05/2011
Keiji Haino - Black Blues (violent version, 2004)
Sorti le même jour que son corolaire "soft" sur le label français Les Disques du Soleil et de l'Acier, ce Black Blues propose les mêmes titres - qui s'avèrent des reprises, rendues méconnaissables, de blues américain d'avant-guerre, ou de chansons d'Enka, musique populaire japonaise datant de l'ère Shōwa - disposés dans le même ordre que ceux de son homologue acoustique, mais amplifiés, cette fois, et hurlés d'une voix âpre, douloureuse, étranglée. Ne possédant qu'une seule partie du diptyque, je serais bien incapable de mettre cette version en relief avec l'autre. Néanmoins, je souhaite vous faire part de cette musique stupéfiante, quitte à rattraper le coup plus tard. Ce qui frappe ici, c'est moins le scrupule porté sur la mélodie, le "feeling" que sur une approche plus ouvertement physique, fiévreuse, "ritualiste". Compulsivement, à force d'insister sur un même pattern, Haino le transforme en un obsédant leitmotiv qui, lui aussi, ne cesse de changer et de se ressaisir, pour mieux s'épanouir dans la matérialité pleine, certes, mais soufferte et meurtrie d'un son pur, pure résonance et réceptivité crûment, violemment arrachés de ces lanières de guitares aux claquements secs, auxquels on n'adjoint aucun effet, n'était cette légère, anecdotique réverbération. Je n'ai jamais entendu chose analogue : le matière développée ici semble tenir sur trois fois rien, de par sa brute, inhumaine austérité, et pourtant, pourtant, cette dernière recèle une richesse captivante, bouleversante... pareil à Hendrix, Haino me semble être investi d'une vision personnelle, irréductiblement singulière et viscérale de la guitare, poursuivant une quête sonore qui appuie sur chaque fibre, chaque point névralgique : les accords de vive force arrachés vibrent nus, à fleur de peau ; leurs aigües crispent, poinçonnent et roidissent la nuque, quand enchaînés de plus en plus rapidement ils ne forment plus qu'une ligne au grain fluide et hurlant, funeste, comme si on cherchait à t'arracher de force le système nerveux, malgré les cris de désespoirs, de l'être qui se débat et freine des quatre fers, tourmenté par l'inéluctable... plus on s'avance dans cette cure, plus la fataliste intensité augmente d'un cran. Ainsi les bouleversants Drifting et See That My Grave Is Kept Clean, point de non-retour où quelque chose d'impossible cherche à s'extraire, à advenir ; et dans ces accalmies irréelles, rien qu'un ineffable vent de rouille soufflant sur la pâle surface des choses... à l'instar de celle jouée par Coltrane, cette musique ne semble avoir de raison d'être que motivée par la plus pressante, vitale des nécessités... par ailleurs, pour qui souhaite se familiariser avec le bonhomme, humble et sobre à bien des égards, une interview très intéressante traîne sur la toile, disponible ici .
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