05/05/2011

Æthenor - En Form For Blå (2011)






















En parlant du loup, je me suis dit qu'il serait intéressant de vous faire partager ce dernier essai d'Æthenor, d'une pour celui qui voudrait mettre les choses plus en relief avec ce qui a été dit plus bas, et de deux pour annoncer qu'En Form For Blå (alt + ctrl + caps lock 0 pan dans la gueule), ce live donné à Oslo sur trois sessions réparties en Avril/Juin 2010 par des expérimentateurs gravitant aux marges de la scène metal, concrétise les acquis du Faking Gold and Murder en un disque porteur 1) d'épanouissement esthétique et 2) de superbes promesses, à la fois pour ce qu'il inspirera (du moins je l'espère) et pour l'avenir du groupe, qui s'annonce radieux. En effet Æthenor à la base c'est un all-stars-band qui, jusqu'à la rupture FGM, chiait un peu dans la colle avec des jams entassant à l'aveuglette collages électroniques et bidouillages qui ne savaient pas plus que moi où ils voulaient en venir. De septette sur FGM on passe ici au quartette : on retrouve les habituels SOMA (aux bourdons, what else ?) et O'Sullivan, qui, pour l'occasion, a ramené son poto Kristoffer Rygg (Ulver) soutenir son Fender Rhodes. Le duo Suisse Buttercup Metal Polish laisse les baguettes au batteur de free-jazz anglais Steve Noble (Tongues of Fire et les power trio N.E.W., DECOY), qui réalise ici une performance assez ahurissante, aussi bien au regard de ses prédécesseurs que de son répertoire habituel (à noter, dans le courant de l'année, SOMA et Noble ont joué ensemble au café Oto, dont la performance est disponible ici). Rygg ne chante pas, mais le vide laissé par David Tibet est très largement comblé par les instruments en présence, au langage autrement plus pur (la musique se suffisant à elle-même).

Je serais laconique (et non lacanien), auquel cas je perdrais trois plombes en descriptions à rallonges, car cette musique se caractérise par une prolifération affolante de détails qui vont et viennent en tapis ductiles, ou qui, agglomérés et cristallisés, s'élèvent en masses sonores majestueuses, figeant le temps et saturant l'espace comme les épiphanies d'un live de Supersilent.
Cette performance improvisée peut se décomposer comme suit : à ma gauche, le duo Rygg/O'Sullivan constitue l'axe ambient : ces derniers tissent des trames électroniques denses et perpétuellement mouvantes, réverbérées la plupart du temps, tantôt sourdes et graves, tantôt miroitantes, comme, au Rhodes, ces gouttelettes montantes et descendantes qui s'éploient en frémissantes mélodies sur "One Number...", les scintillations de "Something To Sleep...", les efflorescences inouïes de "Vyomagami Plume" qui sitôt se rétractent, jalouses de leurs secrets... certaines mélodies diaprées, qui grelottent en liquides iridescences, me rappellent le Mirage de Klaus Schulze... d’autres, se déployant en profondes et moelleuses nappes émaillées de babils mystérieux, pourraient rappeller Coil.
A ma droite, SOMA, c'est le côté plus rock'n'roll d'En Form For Blå, qui n'hésite pas à tout emporter dans des déflagrations de speed-drone qui tachent (à la Pentemple), ou à moduler quelques bourdons mixés plus en retrait, comme une menace sourde.
Et en face de moi, Steve Noble est le pivot, l'homme participant aussi bien du côté ambient avec ses cymbales prolixes, ses soubresauts isolés, épars et clinquants, ses cellules rythmiques qui, peu à peu, se reprennent en d'intriguant leitmotivs (genre butor en pleine parade amoureuse) ; que du côté plus rock, viscéral de la performance, lorsqu'il soutient O'Malley avec ses explosions en staccato, mur sonore statique, régal de pataugeade et d'intensité, me rappelant un peu les tatanes rythmiques d'un Elvin Jones très en forme. La production de tout ceci est excellente : mise en valeur de chaque instrument en présence, éradication des bruits parasites et de tout ce qui pourrait troubler l'exceptionnelle fluidité d'une telle performance. Car, à l'instar d'In A Silent Way, tout ne cesse de s'écouler, de changer, de se brosser en paysages liquides, énigmatiques, comme d'aquarelles sonores - la forme est fluide, le sens l'est encore plus.

Bon appétit.

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4 commentaires:

  1. Après une écoute d'un titre sur TonTube, il m'a l'air encore mieux que FG&M, thanks.

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  2. Tiens voilà une vidéo de Steve Noble solo. Elle explique peut-être certains sons présents sur le disque...
    http://www.youtube.com/watch?v=lZr9HyibDyc

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  3. Fuck, c'est exactement ça ! fascinant...

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  4. Oui, on retrouve bien certains sons, en particulier ceux du début de la vidéo. Drone-batterie ?

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