05/11/2011
Celer - Butterflies (2011)
Annonçons la couleur tout de suite: Ce Butterflies est d'un minimalisme assez radical et déconcertant. Ceci expliquant le peu que j'aurai à en dire, et pourquoi j'ai tant hésité à le mentionner ici.
Musique des sphères pour idiots contemplatifs. Cinq pistes chacune faites d'une seule et unique boucle gravitant sur une orbite parfaitement elliptique pour une durée de quarante minutes. Ni plus, ni moins. D'abord sur mes gardes, voyant d'abord en cette découverte singulière une espèce de Trilogie de la Mort du pauvre, une vingtaine de minutes ont pourtant suffi à faire fermer sa gueule à ma voix de la Raison qui parlait de supercherie et de fainéantise et pour voir mes vanités de mélomane à la petite semaine se faire souffler par cette froide beauté d'une simplicité littéralement désarmante. Tout est là, dans ce "si peu". Le reste est sans importance. Léthargie voluptueuse, hébétude rassurante, plongée dans l'infini, qu'importe le mot, disons juste que trois heures d'anéantissement dans le son ne sont jamais de trop. C'est là dedans qu'on devrait cesser d'exister.
Écouter ici
À défaut de connaître le public à qui c'est susceptible de plaire, on pourra comparer ces papillons à la musique d'Eliane Radigue, Charlemagne Palestine, William Basinski et quelques sorties du label mAtter. Je suggère également l'écoute des "Four Pieces" et de "Noctilucent Clouds" (notez qu'il est difficile d'apprécier ce dernier autrement qu'avec un casque).
28/09/2011
James Ferraro - Marble Surf (2008)
Le petit Jamy nous ouvre les portes du Paradis (ou du Valhalla, question de goût, d'ailleurs petit message à ceux qui comme moi ne pourront s'empêcher de penser au jeu Valkyrie Profile en écoutant l'album: Personne ne peut plus rien pour vous), L'espace de quelques dizaines de minutes de pure béatitude, et c'est plutôt gentil de sa part. Le motif joué au piano qui introduit cette cassette sera le même qui accompagnera et conduira les chœurs angéliques qui s'y grefferont, dialoguant, euphoriques et grésillant dans ce flou lofi que crée la manipulation des bandes magnétiques, attribut essentiel de cette joie céleste étalée sur deux pistes symétriques. Flou qui dans un premier temps rend difficile de se rendre compte à quel point la composition de cette petite quarantaine de minutes, sans entraver la fluidité avec laquelle elle s'écoule, et loin d'en rester à quelques superpositions paresseuses mais efficaces, ne cesse de se transformer jusqu'au final abrupt et triomphant, cloches, tambours, synthétiseurs s'ajoutant aux chants d'extase et à d'autres instruments qui finissent par ne plus être précisément identifiables et à ne former qu'un tout presque compacte s'approchant du fameux "magma" bien connu des amateurs de black ambient, véritables bain de sonorités aux frottements tantôt lumineux, parfois éblouissants, bizarrerie au psychédélisme latent (qui deviendra beaucoup plus explicite sur un album comme Pixarni), unique et passionnante de bout en bout, du concentré de liesse onirique, voilà tout. Je vous épargne pour cette fois la traditionnelle métaphore absurde sur le modèle du "X meets Y dans un contexte Z", mais s'il fallait vraiment situer l'ovni, disons quelque chose entre Arvo Pärt, Yoga et William Basinski.
À écouter grâce à ceci. (le lien vient d'ici)
09/08/2011
Incarceration By Abstraction - The Flying Luttenbachers (2007)
Dans quoi pourrait on classer cette petite chose hybride? Il serait difficile en vérité de limiter cet album à une sphère musicale particulière (c'est visiblement vrai pour les précédents) tant il semble graviter de l'une vers l'autre avec la même aisance: une jambe dans le free jazz, l'autre dans le math rock, effleurant parfois du bout des doigts le grind de Naked City. Sacré mélange que l'on doit à Weasel Walter qui pour le coup a tout simplement enregistré et exécuté seul l'intégralité des pistes en l'absence de ces compagnons de jeux habituels. Figurez vous d'abord un couple basse/percussions particulièrement puissant, l'une aussi grasse et remuante que l'autre est nerveuse, tisseuse de grooves survoltés qui n'hésite pas à aller chercher le blast lorsqu'il est nécessaire. puissance de feu non négligeable soutenant, seule ou accompagnée d'un orgue, les tapisseries inextricables et presque anguleuses de motifs robotiques tissées par des guitares aux timbres multiples, assez folles, désarticulées et mécaniques pour concurrencer celles d'un.. Buckethead (par exemple, sur The Cuckoo Clocks of Hell ou Kaleidoscalp), et les déchirements hystériques d'une clarinette tellement zornienne que je l'ai d'abord prise pour un saxophone. Hystérie panique qui s'interrompt parfois pour laisser place à quelque chose de plus conscient venant tendre et noircir toute cette belle machinerie. Quelques discrètes touches d'electronique et de noise parachèvent enfin d'affirmer son caractère foisonnant et chaotique à un ensemble qui tient davantage du bordel savant et calculé que de la cacophonie bête et méchante, contrairement à ce qu'on serait tenté de croire en me lisant. Christian Vander dans un Gundam retapé. Cool. Écouter ou acheter ici. Plus de copies physiques (500 exemplaires), malheureusement!
30/06/2011
Supersilent - 5 (2001)
Déjà entamée sur un précédent opus plus explicitement jazz, c’est ici, au travers de ces 70 minutes compilées par Helge Sten sur plus de 30 heures de concerts donnés à Oslo, Londres et Bologne, que s’accentue l’orientation « ambient » de la musique de Supersilent, même si ce terme me répugne un peu la concernant, tant cette dernière excède, de par sa liberté formelle, les catégories et les simplifications qui tenteraient de la contenir. A l’appui de cette affirmation, le jeu de Vespertad, par exemple, se fait globalement plus épars, discret, amorti, carrément absent, parfois ; même si cela ne l’empêche pas, vers la fin de l'excellente première piste, et de concert au pianotage rythmique de Storløkken (allant jusqu’à rappeler l’intensité fiévreuse d’un 6 ou d'un 7), de durcir ses frappes et de faire monter d’un cran la pression. Dense en détails et en brèves incisions, mystérieuse, riche en nuances et en contrastes clairs/obscurs, la musique de Supersilent s’étire maintenant en longues plages improvisées, pour la plupart excédant les 10 minutes (quasi-20 minutes pour les deux plus longues). Théâtre d’ombres et d’inquiétudes fugitives, de gouffres massifs et d’émergences lumineuses, jamais l’univers de Supersilent ne s’est fait aussi fascinant, insaisissable. Bâti autour du silence, ce « presque rien », s’il n’en reste pas moins dynamique et captivant de bout en bout, exige peut-être moins d’effort à fournir pour suivre de l’oreille chaque apport et chaque mouvement – moins d’intenses et rapides télescopages (ce qui évidemment ne signifie pas qu’il n’y en ait plus), pour des sculptures de paysages sonores liquides, fluants, hantés par l’impénétrable mélancolie des minces thèmes qu’Arve Henriksen module, oriental (la manière de sonner de cette trompette me fait penser à une sorte de...flûte asiatique?), au gré des rideaux cristallins (theremin ?) qui tombent en pluie sur des nappes de plus en plus amples, de plus en plus profondes et grondantes (5.3)… distante, posthume, spiritualisée, la trompette plonge alors dans le sein de cet océan aux oscillations dansantes, et dont l’épiderme plein, texturé, pétrifie et engloutit le regard... et ce, jusqu'aux glaçantes plaintes émises par ces 5 minutes finales, graduelle montée en puissance dans la cacophonie. Les deux dernières pistes, à ce titre, mériteraient deux chroniques dans la chronique. Je préfère vous laisser avancer de votre propre chef dans ces labyrinthes de l’âme.
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24/06/2011
Supersilent - 4 (1998)
Outre une musique qui s'avère, à chaque album, irréductiblement singulière en terme d'atmosphères et de couleurs, Supersilent a ceci de particulier que le minimalisme de leur artwork ne révèle rien qui pourrait traduire une réflexion des artistes sur leur propre musique. La pochette est un monochrome qui ne délivre que les informations essentielles (code-barre inclu!); l'intérieur du livret révèle, quant à lui, d'informes et désinvoltes gribouillages. L'auditeur n'a donc affaire qu'à lui-même, aux interprétations qu'il formulera a posteriori pour qualifier la musique (lesquelles, bien entendu, n'engagent que lui). Logique, au fond, puisque l'essence du projet réside dans l'improvisation libre. Pourquoi en effet ces types devraient parler de leur musique ? Ils se réunissent, et jouent. Point barre.
Pour moi les membres de Supersilent sont des créateurs d'oeuvres ouvertes. Des mediums nécessaires à ce que l'évènement musical, pur de tous référents extérieurs (de tout ce qui ce pourrait induire préjugés et préconceptions) vienne à la présence, s'offre au sujet dans toute l'opaque densité de son mystère, d'un sens qui se cherche, encore et toujours, fascinant, captivant... ou aveuglant, lorsqu'enfin il éclot et se dévoile, indubitable, inexprimable, dans une rayonnante et bienheureuse épochè... d'une musique dont je ne serai pas surpris d'apprendre qu'elle constitue, aux yeux de ses géniteurs, un être autonome et absolument détaché de ce à quoi ils s'attendaient, produit de leurs impulsions. Une sorte de "laisser-être", si l'on veut.
Bon, si Supersilent sur ce 4 se fait nettement moins violent et bordélique que sur le 1-3, manifeste extrémiste et sauvage dans le non-concessif, il n'en reste pas moins radical, rigoureux, et assez intéressant, quoique relativement anecdotique (peu de ces moments hors du temps qui, pour moi, font le sel de Supersilent). Toujours cette même dualité entre un versant "ambient" ici légèrement accentué (la diffuse et pulsante 4.1, l'inquiétude captivante de 4.2, avec ces superbes textures de Ståle Storløkken débouchant sur une fin haletante) et de parties plus rentre-dedans, qui exige que l'on suive d'une oreille attentive tous ces détails qui fusent et rentrent fiévreusement en collision... les trames, denses et composites, témoignent toujours de ces incessants télescopages de sonorités hétérogènes, grouillantes, supersoniques, tantôt abstraites (les modulations noise agiles et rétractables des machines) ou chaleureuses (la trompette qui temporise, le jeu étonnant Vespestad), mais souvent pertinentes, parfois moins, pour peu que l'on fournisse l'effort de concentration nécessaire... ce 4, s'il décrispe en partie la rage et la fureur du propos initial, ne fait que le rendre plus digeste (3/4 d'heures aussi, ça aide).
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18/06/2011
Supersilent : 1-3 (1997-2003)
Les débuts de Supersilent sont éreintants, définitivement plus rudes et hermétiques que le reste de leurs productions. Ce triple album, réunissant 13 pistes enregistrées en studio pour plus de 3 heures de musique, montre que la raison d'être du projet a toujours été l'improvisation; une liberté de forme débridée et malsaine, riche en contraste et en ambivalence, donc foncièrement insaisissable. Une sorte de Soft Machine malade, enragé, noise dans son orientation, "ambient" lorsque retombe l'intensité générale (par exemple le deuxième disque, illuminé par cette trompette surplombant les amples et froides nappes tissée par Ståle Storløkken). Un Soft Machine aliéné, déshumanisé, rendu âpre par le corps-à-corps viscéral et quasi-exclusif avec les composants électroniques, où c'est le son pris en lui-même, sa matière qui se trouve malaxée, modelée, formée et déformée - d'où, en corollaire à cette intensité physique, brûlante, un rendu farouchement froid, abstrait qui risque d'en rebuter plus d'un.
A l'image de ce premier morceau, apeurant par sa longueur (30 minutes) : une concaténation de rythmiques prenant votre oreille droite comme punching-ball, d'improvisations électroniques/noise d'Helge Sten ou du trompettiste qui jaillissent en persécutions polymorphes (ça poinçonne, se torsade, se déchire), recouvrant une voix froide qui mécaniquement débite des sortes d'ordres ou d'instructions, le tout traversé par la beauté fantomatique, extraite brute du chaos, des minces filets qu'Arve Henriksen laisse échapper de sa trompette... tout en rythme et en détails fusants, plus accrocheuse, c'est limite si la deuxième piste me fait pas penser à une sorte de Single Unit caustique.
La troisième piste, elle, dépasse tout, et se pose à ce jour comme le morceau le plus éprouvant de ces sapajous : 14 minutes de déflagrations harsh-noise haletantes, impitoyables, qui à force de dilacérer la trame sonore, vous laisseront abasourdis.
Mais à l'exténuation et à l'insupportable, se succèdent chez Supersilent des moments de grâce aveuglants, où les masses denses et composites s'élèvent, figent le temps et saturent l'espace, des moments au rayonnement tel qu'il me plaît de les qualifier d'"épiphaniques". Ainsi la dernière piste du 1er CD, où il nous semble surprendre la naissance du groupe qui, l'espace de 15 ineffables et supra-terrestres minutes, touche véritablement à quelque chose d'essentiel. L'inouïe advient, se fait entendre; la magie de Supersilent opère, initiant la mise en présence de l'inconnu. Ces instants de grâce, nous ne les retrouverons guère que sur le 6 ou le 7. Et ce n'est que le premier CD... les autres ne sont pas en reste : tous témoignent de cette polarité qui semble travailler de l'intérieur cette musique. Chacun d'eux sont autant de fondations intimidantes à ce que ces norvégiens proposeront dans le futur. Ce 1-3, au fond, c'est un peu l'accomplissement moderne de la démarche du Miles électrique...
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25/05/2011
Mythological Eoarchean Cosmonauts - Astral Fluid (2011)
Deneb Tala nous offre ses fluides. Enfin, pas vraiment, mais le premier disque de son projet de space ambient sobrement nommé Mythological Eoarchean Cosmonauts sorti tout récemment a déjà le mérite d'être bien nommé en plus d'être réussi. Ambient de fort belle qualité qu'on devine influencé par Steve Roach (un peu, sans le coté new age), Trist (un peu plus) et les grands noms de la Berlin School (beaucoup, et non je ne prends pas beaucoup de risques à avancer ça), fait de deux longues pistes complémentaires, construites sur un schéma approchant de la forme ascension/descente, ambient aux consonances sacrées assez explicites qui cache, sous ses drones majoritairement analogiques qu'on pourrait juger placides et même un peu timides aux premiers abords, alors que l'oreille est trompée par la linéarité apparente de la progression, son jeu de nuances, la douceur de ses transitions et son caractère évolutif bien prononcé.
Je parlais plus haut de complémentarité entre les deux compositions, et ce rapport est également vrai pour le panel de sonorités employées par l'homme de goût, car il se dégage nettement de ces transports verticaux une dualité intéressante entre deux thèmes principaux, à savoir le tangible représenté sous la forme de l'état liquide et l'immatériel de l'âme et de l'ether. C'est du moins de cette manière que le perçoivent mes petites oreilles, qui ne sont pas gênées de tirer des conclusions de la sorte quand on voit à quel point les titres sont explicites. Plus prosaïquement, et de façon indépendante des considérations qu'on pourrait faire sur la nature des choses composant le bousin cosmique, le choix des éléments sonores est aussi cohérent que leur combinaison est savante: En vrac, fluctuations caressantes, flou onirique, textures pures et lumineuses. Feels good man.
Aux émissions ondoyantes, aux ébullitions aquatiques et aux bourdonnements marins se mêlent des résonances mystiques et métalliques que n'aurait pas renié Peter Andersson, tantôt sereines, échos divins from outah'space, puis livides comme ces choeurs fantomatiques nous accompagnant lors de la plongée dans Fluid, le pendant sombre et abyssal d'Astral, tout en pesanteur, dans un silence de fosses océaniques habité de ténèbres un brin oppressantes qui auront à peine le temps de vous inquiéter avant de se faire dissiper par une apothéose véritable 100% seal of quality qui sonnera la fin de l'album. Oh et puis faite fis de mon verbe souffreteux et allez m'écouter ça.
Vous pouvez écouter ou télécharger l'album sur le bandcamp de l'artiste ou le contacter pour acquérir une copie CD limitée à 100 exemplaires. J'imagine que c'est encore une histoire de savoir caché de nature ésotérique.
23/05/2011
Monument - I (2010)
Surprenante découverte que j'ai faite via l'apocamix de l'incroyable lapin anti-gravité et que je m'empresse de partager ici. Il s'agit en fait d'une obscure release cassette (épuisée) en provenance du label Sol Y Nieve. Cinquante minutes d'un ambient black qu'on jurerait presque être une affection du dieu Paysage d'Hiver: On y retrouve l'esthétique lowfi propre à la production du suisse, son minimalisme tendance mystique et recueilli, les motifs guitares/batterie simples et itératifs (oui, le mot est à la mode je crois), soutenus ou entrecoupés de litanies grognées, de chuchotements mystérieux ou de choeurs sacrés qui m'ont immédiatement rappelé un certain Kristall & Isa, ainsi qu'au Malefeasance de l'Acephale dans une certaine mesure. J'ose la comparaison car il s'agit bien d'une oeuvre à la personnalité suffisamment marquée, toute à la fois contemplative, irréelle, religieuse et hypnotique -sur ce point la qualité dronesque de certains morceaux et ces quelques arpèges de piano y sont aussi pour quelque chose. L'orientation générale de l'album et sa relative "tempérance", si on le compare au caractère abrasif et exacerbé d'un Nacht ou d'un Winterkält fait qu'on n'y atteint pas les sommets vertigineux dessinés par la musique de PDH. Mais celle de Monument est suffisamment bonne, originale et inspirée pour mériter de faire un tour dans vos oreilles. Wrnlrd meets Wintherr, en rêve. Les amateurs de black/ambient y trouveront certainement leurs comptes, et même les plus réticents au genre pourraient être séduits par la magnifique piste qui clôture ce I, un de ces instants balayant en quelques notes toutes les velléités à retranscrire l'expérience musicale à travers le prisme des mots, ces minutes pleines d'espoir capables de revigorer la passion qu'on croyait refroidie pour un phénomène aussi fascinant et bouleversant que la Musique. Autant vous dire que je ne me fous pas de vos gueules.
Site du label: http://www.solnieve.blogspot.com/
Télécharger l'album sur le lastfm du groupe ou bien ici.
22/05/2011
Fushitsusha - Purple Trap (1996)
The Wound That Was Given Birth to Must Be Bigger Than The Wound That Gave Birth
Encore un cadeau de DukeOfPrunes, made in Keiji Haino.
20/05/2011
Keiji Haino - 魂の純愛 (Soul's True Love, 1995)
This 4-CD Boxset features rare live and studio materials from three Keiji Haino's projects. It was *probably* limited to 500 copies.
Overall a must-have collectible item. If you like it raw.
Pour continuer dans la série d'articles consacrés à l'homme aux lunettes noires, voici un superbe cadeau au business de la part de DukeOfPrunes, spécialiste ès Haino. Cliquez sur l'image principale pour le télécharger.
16/05/2011
Keiji Haino - 慈 (Affection, 1992)
Tuerie mi-acoustique/mi-électrique de l'homme aux lunettes noires, chantée d'une voix indéfinissable. Une heure, une piste, avec pas mal de répétitions obsédantes. La fin est juste ahurissante d'intensité, avec un mur sonore dressé par des guitares extra-terrestres. Ce type a été reconfiguré à sa naissance, y a des branchements reliés à des prises pas faites pour, il respire l'air d'autres planètes, c'est pas possible autrement.
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10/05/2011
Pan Sonic / Keiji Haino - Shall I Download A Blackhole And Offer It To You (live in Berlin, 15.11.2007)
Sur le papier, cette collaboration entre le duo finlandais Pan Sonic et le japonais Keiji Haino m'a fait saliver comme un beau diable. Dans les faits, je serais un peu plus retenu : pour commencer le rendu sonore est pour le moins... étrange (on est loin de la prise directe, et ça s'entend), ensuite, et malgré l'orientation d'ensemble au demeurant très ambient, les parties noise/power noise de Pan Sonic sont parfois assez difficiles à digérer (quoiqu'il n'y ait rien de vraiment inécoutable en soi), surtout au regard de l'ahurissante qualité de ce qu'ils proposent sur le V avec Merzbow, moins marquée ici. En revanche, ce qui met en valeur cette performance, c'est une fluidité générale qui enchaîne naturellement les différents climats, avec une matière souvent diffuse, ambient, parfois brute, physique qui en émerge : le duo finlandais donne dans un abrasif certes rugueux et déconcertant, mais qui apporte suffisamment de contrastes, de dynamique, de variété pour ne pas devenir tout à fait rebutant. Des pulsations rythmico-ionisées rappelant la période Kulma/A aux hurlements de signaux qui vrillent puis se torsadent sans pitié ; des compressions de nappes en blocs de matière brute qui vous écrasent aux déchaînements sursaturés de bruits blancs de la piste finale, où tout explose dans une frénésie abrutissante, le quota des temps forts est bien rempli. Soutenus par les hurlements rageurs de Haino et ses murs de son "impactant" à la gratte, ils en deviennent souvent jouissifs. Mais ces derniers sont contrebalancés par une ligne directrice plus strictement ritual-ambient où, moyennant certains leitmotivs bien définis, trois ou quatre pistes, en un jeu d'échos récurrents, finissent par se répondre entre elles, tracer une certaine progression. Haino n'est pas avare en litanies et autres jeux de gorge angoissants, posés sur des climats électroniques aux modulations menaçantes quoique plus retenues, tout du long hantés par le spectre d'une sorte de flûte traditionnelle convoquant les brumes du passé, d'accords acoustiques doucement égrenés, surnaturels ; ainsi que par les touches froides, veloutées de mystérieux synthétiseurs rappelant un peu Supersilent (5ème piste)... avant de déboucher sur l'éreintante épiphanie finale, très, très perturbée. Au demeurant assez riche et fascinant, j'ignore si ce live, du fait d'un son vraiment bizarre et de moments assez fatiguant pour ce qu'ils ont à dire, durera très longtemps chez moi. A essayer, car dans tous les cas, il vaut vraiment la peine d'y jeter au moins une oreille.
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08/05/2011
Keiji Haino - Black Blues (violent version, 2004)
Sorti le même jour que son corolaire "soft" sur le label français Les Disques du Soleil et de l'Acier, ce Black Blues propose les mêmes titres - qui s'avèrent des reprises, rendues méconnaissables, de blues américain d'avant-guerre, ou de chansons d'Enka, musique populaire japonaise datant de l'ère Shōwa - disposés dans le même ordre que ceux de son homologue acoustique, mais amplifiés, cette fois, et hurlés d'une voix âpre, douloureuse, étranglée. Ne possédant qu'une seule partie du diptyque, je serais bien incapable de mettre cette version en relief avec l'autre. Néanmoins, je souhaite vous faire part de cette musique stupéfiante, quitte à rattraper le coup plus tard. Ce qui frappe ici, c'est moins le scrupule porté sur la mélodie, le "feeling" que sur une approche plus ouvertement physique, fiévreuse, "ritualiste". Compulsivement, à force d'insister sur un même pattern, Haino le transforme en un obsédant leitmotiv qui, lui aussi, ne cesse de changer et de se ressaisir, pour mieux s'épanouir dans la matérialité pleine, certes, mais soufferte et meurtrie d'un son pur, pure résonance et réceptivité crûment, violemment arrachés de ces lanières de guitares aux claquements secs, auxquels on n'adjoint aucun effet, n'était cette légère, anecdotique réverbération. Je n'ai jamais entendu chose analogue : le matière développée ici semble tenir sur trois fois rien, de par sa brute, inhumaine austérité, et pourtant, pourtant, cette dernière recèle une richesse captivante, bouleversante... pareil à Hendrix, Haino me semble être investi d'une vision personnelle, irréductiblement singulière et viscérale de la guitare, poursuivant une quête sonore qui appuie sur chaque fibre, chaque point névralgique : les accords de vive force arrachés vibrent nus, à fleur de peau ; leurs aigües crispent, poinçonnent et roidissent la nuque, quand enchaînés de plus en plus rapidement ils ne forment plus qu'une ligne au grain fluide et hurlant, funeste, comme si on cherchait à t'arracher de force le système nerveux, malgré les cris de désespoirs, de l'être qui se débat et freine des quatre fers, tourmenté par l'inéluctable... plus on s'avance dans cette cure, plus la fataliste intensité augmente d'un cran. Ainsi les bouleversants Drifting et See That My Grave Is Kept Clean, point de non-retour où quelque chose d'impossible cherche à s'extraire, à advenir ; et dans ces accalmies irréelles, rien qu'un ineffable vent de rouille soufflant sur la pâle surface des choses... à l'instar de celle jouée par Coltrane, cette musique ne semble avoir de raison d'être que motivée par la plus pressante, vitale des nécessités... par ailleurs, pour qui souhaite se familiariser avec le bonhomme, humble et sobre à bien des égards, une interview très intéressante traîne sur la toile, disponible ici .
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06/05/2011
The Jazz Composer's Orchestra - S/T (1968)
Ce disque n'est pas un disque (c'est pour cela que je l'avais proposé il y a fort longtemps à Ego), c'est un capharnaüm lyrique de milles complaintes s'élevant et se répondant dans des bourrasques d'intensité pure, déferlantes majestueuses de sang et de fer qui, pourtant, réalisent l'exploit de ne jamais rebuter une seule seconde. Cette chronique n'en est pas une (NON SANS BLAAAGUE), et comme je suis trop vanné pour faire un quelconque effort, je vous renvoie à celle du site Guts of Darkness, très complète et très bien faite. Tremblez mortels...
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05/05/2011
Æthenor - En Form For Blå (2011)
En parlant du loup, je me suis dit qu'il serait intéressant de vous faire partager ce dernier essai d'Æthenor, d'une pour celui qui voudrait mettre les choses plus en relief avec ce qui a été dit plus bas, et de deux pour annoncer qu'En Form For Blå (alt + ctrl + caps lock 0 pan dans la gueule), ce live donné à Oslo sur trois sessions réparties en Avril/Juin 2010 par des expérimentateurs gravitant aux marges de la scène metal, concrétise les acquis du Faking Gold and Murder en un disque porteur 1) d'épanouissement esthétique et 2) de superbes promesses, à la fois pour ce qu'il inspirera (du moins je l'espère) et pour l'avenir du groupe, qui s'annonce radieux. En effet Æthenor à la base c'est un all-stars-band qui, jusqu'à la rupture FGM, chiait un peu dans la colle avec des jams entassant à l'aveuglette collages électroniques et bidouillages qui ne savaient pas plus que moi où ils voulaient en venir. De septette sur FGM on passe ici au quartette : on retrouve les habituels SOMA (aux bourdons, what else ?) et O'Sullivan, qui, pour l'occasion, a ramené son poto Kristoffer Rygg (Ulver) soutenir son Fender Rhodes. Le duo Suisse Buttercup Metal Polish laisse les baguettes au batteur de free-jazz anglais Steve Noble (Tongues of Fire et les power trio N.E.W., DECOY), qui réalise ici une performance assez ahurissante, aussi bien au regard de ses prédécesseurs que de son répertoire habituel (à noter, dans le courant de l'année, SOMA et Noble ont joué ensemble au café Oto, dont la performance est disponible ici). Rygg ne chante pas, mais le vide laissé par David Tibet est très largement comblé par les instruments en présence, au langage autrement plus pur (la musique se suffisant à elle-même).
Je serais laconique (et non lacanien), auquel cas je perdrais trois plombes en descriptions à rallonges, car cette musique se caractérise par une prolifération affolante de détails qui vont et viennent en tapis ductiles, ou qui, agglomérés et cristallisés, s'élèvent en masses sonores majestueuses, figeant le temps et saturant l'espace comme les épiphanies d'un live de Supersilent.
Cette performance improvisée peut se décomposer comme suit : à ma gauche, le duo Rygg/O'Sullivan constitue l'axe ambient : ces derniers tissent des trames électroniques denses et perpétuellement mouvantes, réverbérées la plupart du temps, tantôt sourdes et graves, tantôt miroitantes, comme, au Rhodes, ces gouttelettes montantes et descendantes qui s'éploient en frémissantes mélodies sur "One Number...", les scintillations de "Something To Sleep...", les efflorescences inouïes de "Vyomagami Plume" qui sitôt se rétractent, jalouses de leurs secrets... certaines mélodies diaprées, qui grelottent en liquides iridescences, me rappellent le Mirage de Klaus Schulze... d’autres, se déployant en profondes et moelleuses nappes émaillées de babils mystérieux, pourraient rappeller Coil.
A ma droite, SOMA, c'est le côté plus rock'n'roll d'En Form For Blå, qui n'hésite pas à tout emporter dans des déflagrations de speed-drone qui tachent (à la Pentemple), ou à moduler quelques bourdons mixés plus en retrait, comme une menace sourde.
Et en face de moi, Steve Noble est le pivot, l'homme participant aussi bien du côté ambient avec ses cymbales prolixes, ses soubresauts isolés, épars et clinquants, ses cellules rythmiques qui, peu à peu, se reprennent en d'intriguant leitmotivs (genre butor en pleine parade amoureuse) ; que du côté plus rock, viscéral de la performance, lorsqu'il soutient O'Malley avec ses explosions en staccato, mur sonore statique, régal de pataugeade et d'intensité, me rappelant un peu les tatanes rythmiques d'un Elvin Jones très en forme. La production de tout ceci est excellente : mise en valeur de chaque instrument en présence, éradication des bruits parasites et de tout ce qui pourrait troubler l'exceptionnelle fluidité d'une telle performance. Car, à l'instar d'In A Silent Way, tout ne cesse de s'écouler, de changer, de se brosser en paysages liquides, énigmatiques, comme d'aquarelles sonores - la forme est fluide, le sens l'est encore plus.
Bon appétit.
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02/05/2011
The Lounge Lizards - s/t (1981)
Après l'avoir particulièrement remarqué dans Stranger than Paradise et Down by Law, que de tristesse je fus parcouru quand je vis que John Lurie n'avait pas non plus tourné dans pléthore de films. Décidant de surpasser au plus vite ce tracas, je me rappelai qu'il était aux manettes pour les bandes originales de ces films (au moins un) et constatai qu'il savait jouer de l'alto.
Les lézards de salon étaient donc composés à l'époque, de gauche à droite, de Arto Lindsay (guitare, ex-DNA), Evan et John Lurie (claviers et alto), Anton Fier (batterie) et Steve Piccolo (basse).
Et ceci correspond probablement au jazz que je préfère : tout à fait savant et capable d'introspection, dans la dérision grotesque (Do The Wrong Thing) ou dans l'hommage appuyé (les deux interprétations zorniennes de thèmes monkiens*). On trouvera aussi de ces morceaux stéréotypés jazz urbain mélancolique comme les deux premières pistes de l'album ou la ballade. En vérité, en y réfléchissant, je dirai que la volonté des artistes a été d'offrir une palette assez complète (quasi-scolaire ?) des registres dans lequel le jazz peut opérer, de la ballade mélodramatique au grand bordel dont on a perdu la trace de la raison, moqueur, obsédé, fiévreux et emmerdeur.
Très agréable surprise donc, intéressant pour les initiés mais aussi très accessible aux novices me semble-t-il. Je suis toutefois d'accord avec les quelques critiques que j'ai lues qui déplorent la moindre présence d'Arto Lindsay que ce qui était initialement prévu, assez dantesque pour tout ce que j'ai écouté de lui jusqu'à présent.
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12/04/2011
Skullflower - Orange Canyon Mind (2005)
Plutôt que d'inonder la chatbox de conneries diverses, il serait temps que je m'attarde à nouveau sur l'un des autres essentiels des londoniens de Skullflower. Noise rock toujours, mais pas question de redondance pour autant, la pièce en question n'ayant plus grand chose en commun avec la noirceur incandescente des IIIrd Gatekeeper et Obsidian Shaking Codex susnommés. Moins homogène, plus noise, peut-être plus riche en sonorités aussi, les bains de feedbacks poisseux ayant été remplacés par des crépitements électroniques, des souffles électriques et des vagues de parasites passées à la moulinette. Couche parasitaire, qui, lorsqu'elle ne transforme pas simplement la piste en cacophonie overdrivée (Forked Lightning, ou comment jammer intensément dans une baie de serveurs pendant que la bonne passe l'aspi'), sert de toile de fond aux guitares hyperfuzzées, grooves simples et efficaces à peine soutenu par une batterie inaudible (Orange Canyon Mind) ou leads grésillantes s'exprimant toujours en dialecte wha-wha, aussi allumées qu'un pétard à la salvia (Star Hill). Survoltée mais ouvertement psychédélique, l'humeur générale de la bête oscille et glisse entre les extrêmes de façon incertaine, entre batifolage euphorique, aventure en territoire mystique, malaise étouffant et inquiétante perte de contrôle. Aussi délirant qu'Electric Heavyland mais sans le coté parpaing sur la tronche. Si j'étais lolilol et que je voulais continuer à cultiver mes tares rédactionnelles, je dirais qu'il s'agit d'un enregistrement de la fée électricité qui voyage sous psychotropes, et qu'il faut donc en profiter.
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11/04/2011
The Golden Sores - A Peaceable Kingdom (2009)
Cette musique est un joyau. Une pierre dont la contemplation absorbe le regard de son blanc mat, plein, ivre d'anonymat. Telle l'étendue d'un ciel qui, contemplé par les mortels cheminant sous lui, s'ouvre à eux comme d'un écrit que ces derniers lisent, imitant la richesse de l'infini; telle cette musique s'ouvre à nous, et en nous étend ses voûtes nues, bruts et massifs horizons. Mais ces cieux sonores, sont-ils riches ? Oui : car lorsque s'efface l'azur, le bleu simple, voici paraître leur mat (qui ressemble à du jade), tel du minerai - signe de la richesse. Ainsi The Golden Sores table moins sur le rythme, le souci de la mélodie, la structure interne, organique, que sur la création de tons et de textures, sur la formation d'une matière sonore brute, massive, bloc indivis de calme éternité, pour véhiculer ses incroyables épiphanies, son idéal d'une force pleine, à telle point discordante et dilacérée qu'elle confine à une forme d'intensité mystique qui éprouve, consume l'individuation, modèle à son image l'homme qui la reçoit. De telle sorte que, s'établissant sous les voûtes cristallines de ce sanctuaire fait sons, il en contemple le riche éclat, pour mieux y déchiffrer les signes, veinés de reflets bleus... jade ou pierre de lune ? Quoiqu'il en soit, les flux et les reflux de ce sublime en lambeaux laissent hagard, étranger à soi. Comme si le voile de Maya flottait, déchiré, sous nos yeux ébahis, desquels sourdent les larmes face à la pureté de la donation, face à l’évidence indubitable d’une charge débordante, engorgée de sacré qui de toute part assaille, submerge, transfigure. Le modus operandi est le suivant : une convergence ahurissante de drone-guitares écorchées vives, gorgées d'effets (fuzz, sustain et tout le tremblement), qui se superposent en multiples couches, donnant d'abord l'impression d'un vent descendant, puis, à mesure qu'il gagne en puissance et s'enrichit d'harmonies simples et belles, se transforme en nuées ascendantes qui s'élèvent, et toi avec elles, vers les confins. On se retrouve alors immergé dans un magma sonore statique, où l'on discerne strates par strates chaque tons créés par des guitares généralement portées dans les aigus, où miroitent en fond les reflets cosmiques d'un synthétiseur alternant pulsations sourdes, graves, profondes,(The Awful Rowing Toward God), et nappes limpides, translucides, d'un space ambient me rappelant un peu Paysage d'Hiver (Klonopin), tant et si bien qu'il devient difficile, au moment où tout ce beau monde se confond, de différencier qui fait quoi où et comment, mais peu importe, on se laisse bercer, béats et sereins, par ces nuages en pierres de lune, drones à la beauté crue, déchiquetée. Ce "Peaceable Kingdom" c'est la plénitude inhumaine d'un son qui se suffit à lui-même et qui, en se dévoilant, rayonne et baigne tout d'une saturation magnifique. Ceci est un album essentiel, bouleversant, que l'on veille nuit et jours, excès de chant aux lèvres...
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Basic Channel - BCD-2 (2008)
Puisse cette musique traverser le corps d'Aes-Dada et le faire voler en éclats.
Basic Channel fait quelque chose d'à la fois excellent et de suffisamment européen, minimal et dub pour entraîner les plus récalcitrants à la musique techno dans ses spirales pour peu qu'ils aient monté un peu le son. Le son viscéral, le groove hypnotique, les subtiles progressions te laissent peu d'autres choix dès les premières secondes du bien nommé Enforcement, et te donnent tout de suite les bons critères pour voyager dans cette scène commencée à Détroit dans la fin 80 avec Juan Atkins, Derrick May et Kevin Saunderson.
Les amateurs de BC peuvent ensuite se diriger vers Maurizio.
06/04/2011
Kandja Kouyaté et l'Ensemble instrumental du Mali (1983)
Je relaie cette cassette malienne vieille de presque 30 ans trouvée pour ma part ce matin, et qui est absolument géniale. Je me passe de l'effort de faire un upload indépendant, ce serait enlever du crédit au super blog awesometapesfromafrica qui fait un boulot de fada pour ressortir ces obscurités du grand continent.
On y entend le Kora (cet instrument franchement, ce son, han!) et quelques percussions, "tapissés" presque comme à l'indienne, et le chant plongé dans le mix de dame Kouyaté, qui n'en est pas moins impressionnant: fort de son âme toujours liée à la mélancolie. Le format cassette force à la symmétrie mais cela convient particulièrement à l'oeuvre, quelle qu'elle puisse être. C'est bien difficile à deviner, mais cela n'empêche heureusement pas de goûter la musique avec délice.
02/04/2011
Qu'est-ce donc que la vie...? (1800-1806)
Qu'est-ce donc que la vie des hommes ? Une image de la divinité.
C'est sous le ciel que cheminent tous les terrestres : ils
Le contemplent. Et lisant, en quelque sorte, comme
Dans un écrit, les hommes imitent la richesse et
L'infini. Le simple ciel nu
Est-il donc riche ? Les nuages d'argent sont pareils
A des fleurs. Et de là-haut tombent en pluie
L'humide et la rosée. Mais quand l'azur
Est effacé, le bleu simple, voici paraître
Le mat du ciel (qui ressemble à du marbre) tel du minerai:
Signe de la richesse.
Extrait d'une lettre à Isaac Von Sinclair, 24/12/1798
[...] J'ai parcouru ces jours-ci ton Diogène Laërce. Il m'a fait sentir une fois de plus que le côté éphémère et changeant des systèmes humains me paraît presque plus tragique que les destins, considérés généralement comme seuls réels; et je crois que c'est naturel, car si l'homme, dans son activité la plus personnelle, la plus libre et jusque dans sa pensée la plus autonome, dépend des influences étrangères, et si cette pensée même est modifiée par les circonstances et le climat, ce qui est incontestable, où donc peut-il encore exercer sa souveraineté ? C'est une bonne chose d'ailleurs, et même la condition première de toute vie et de toute organisation qu'il n'y ait aucune force monarchique au ciel, ni sur terre. La monarchie absolue s'annule partout elle-même, car elle est sans objet; elle n'a d'ailleurs jamais existé au sens strict du terme. Toute chose, dès qu'elle est agissante, s'amalgame et souffre, donc même la pensée la plus pure de l'homme; et rigoureusement parlant une philosophie a priori, totalement indépendante de toute expérience, est un pur non-sens, tu le sais, tout autant que la révélation positive, où tout tient à celui qui la fait, tandis que celui à qui la révélation est faite ne peut se permettre le moindre geste pour la recevoir, sinon il y mettrait déjà quelque chose du sien.
Tout produit et toute conséquence est le résultat du subjectif et de l'objectif, du particulier et du tout, et c'est justement parce que dans un produit la part du particulier ne peut jamais être complètement distinguée de la part qu'y tient le tout, que chaque objet particulier est intimement lié à un tout et qu'ils ne font tous deux qu'un seul ensemble vivant, intégralement individualisé, et constitué de parties à la fois autonomes et intimement, éternellement unies. Sans doute, de n'importe quel point de vue défini, l'une quelconque des forces autonomes du tout sera prédominante, mais elle ne sera que temporairement et jusqu'à un certain point.
29/03/2011
Andrew Rowan Summers - The Unquiet Grave (1951)
Je pousse le poème de Bouchet d'un doigt pour placer ce très honorable album qu'on m'a demandé d'uploader l'autre jour. La génération internet n'écoute pas de trad folk, et ça rend ce genre d'objets très difficile à trouver (a+b). Votre meilleure chance est spotify. La version que j'ai ici est à peu près de l'anti-flac tellement le taux de conversion est bas. Cette bientôt habituelle trahison aux principes de ce blog ne change pas le fait que c'est mon dernier 10/10 en date, bien que je me sente un peu seul dans mon enthousiasme (merci Credo tout de même). Vous allez retrousser vos manches et remédier à ma solitude.
Summers, dont je ne connais ni la vie ni la relation avec cette funeste pochette, était en tout cas américain, bien que j'associe toujours la folk de chambre et les voix affectées au caractère british (Baby Dee, Dorothy Carter) dont le meilleur exemple contemporain est Broughton. Si c'est dit "de chambre", la musique de Summers reste cela dit carrément pastorale, très romantique, épique et aussi réservée en même temps. Bien que je n'en connaisse que deux (le classique eponyme et le plus que fameux House Carpenter), je suppose que la totalité des titres appartiennent au répertoire traditionnel.
Moi je dois bien avouer trouver ça complétement supérieur. Je sais pas, c'est empreint d'un sérieux, c'est dévoué comme un chant religieux à l'affliction (si si, je rapproche les deux), ça force au silence avec ce vieux charisme du chant et de l'individu. Bref, il y a toute une imagerie qui vient avec ce genre de musique distante de nous d'une ère entière: shakespearienne, de misère absolue ou ou de poésie du XVIe. Et ce disque remplit chez moi un besoin particulier avec ses mélodies carillonantes, berçantes et cette impression obsédante de la folk que tout revient, que tout est en cycle (indivisible, triste, tragique, et doux).
26/03/2011
En bleu adorable... (1800-1806)
En bleu adorable fleurit
Le toit de métal du clocher. Alentour
Plane un cri d'hirondelles, autour
S'étend le bleu le plus touchant. Le soleil
Au-dessus va très haut et colore la tôle,
Mais silencieuse, là-haut, dans le vent,
Crie la girouette. Quand quelqu'un
Descend, au-dessous de la cloche, les marches, alors
Le silence est vie; car,
Lorsque le corps à tel point se détache,
Une figure sitôt ressort, de l'homme.
Les fenêtres d'où tintent les cloches sont
Comme des portes, par vertu de leur beauté. Oui,
Les portes encore étant de nature, elles
Sont à l'image des arbres de la forêt. Mais la pureté
Est, elle, beauté aussi.
Du départ, au-dedans, naît un Esprit sévère.
Si simples sont les images, si saintes,
Que parfois on a peur, en vérité,
Elles, ici, de les décrire. Mais les Célestes,
Qui sont toujours bons, du tout, comme riches,
Ont telle retenue, et la joie. L'homme
En cela peut les imiter.
Un homme, quand la vie n'est que fatigue, un homme
Peut-il regarder en haut et dire : tel
Aussi voudrais-je être ? Oui. Tant que dans son cœur
Dure la bienveillance, toujours pure,
L'homme peut avec le divin se mesurer
Non sans bonheur. Dieu est-il inconnu ?
Est-il, comme le ciel, évident ? Je le croirais
Plutôt. Telle est la mesure de l'homme.
Riche en mérites, mais poétiquement toujours,
Sur terre habite l'homme. Mais l'ombre
De la nuit avec les étoiles n'est pas plus pure,
Si j'ose le dire, que
L'homme, qu'il faut appeler une image de Dieu.
Est-il sur la terre une mesure ? Il n'en est
Aucune. Jamais monde
Du Créateur n'a suspendu le cours du tonnerre.
Elle-même, une fleur est belle, parce qu'elle
Fleurit sous le soleil. Souvent, l'œil
Trouve en cette vie des créatures
Qu'il serait plus beau de nommer, encore,
Que les fleurs. Oh ! comme je le sais ! Car
A saigner de son corps, et au cœur même, de n'être plus
Entier, Dieu a-t-il plaisir ?
Mais l'âme doit
Demeurer, je le crois, pure, sinon, de la Toute-Puissance avec ses ailes approche
L'aigle, avec la louange de son chant
Et la voix de tant d'oiseaux. C'est
L'essence, c'est le corps de l'être.
Joli ruisseau, oui, tu as l'air touchant
Cependant que tu roules, clair comme
L'œil de la Divinité, par la Voie Lactée.
Comme je te connais ! des larmes, pourtant,
Sourdent de l'œil. Une voix allègre, je la vois dans les corps mêmes
De la création alentour de moi fleurir, car
Je la compare sans erreur à ces colombes seules
Parmi les tombes. Le rire,
On le dirait, m'afflige pourtant, des hommes,
Car j'ai un cœur.
Voudrais-je être une comète ? Je le crois. Parce qu'elles ont
La rapidité de l'oiseau; elles fleurissent de feu,
Et sont dans leur pureté pareilles à l'enfant. Souhaiter un bien plus grand,
Le nature de l'homme ne peut en présumer.
L'allégresse de telle retenue mérite elle aussi d'être louée
Par l'Esprit sévère, qui, entre
Les trois colonnes souffle, du jardin.
La belle fille doit couronner son front
De fleurs de myrthe, parce qu'elle est simple
Par essence, et de sentiments
Mais les myrthes sont en Grèce.
Que quelqu'un voie alors dans le miroir, un homme,
Voie son image alors, comme peinte, elle ressemble
A cet homme. L'image de l'homme a des yeux, mais
La lune, elle, de la lumière. Le roi Œdipe a un
Œil en trop, peut-être. Ces douleurs, et
D'un homme tel, ont l'air indescriptibles,
Inexprimables, indicibles. Quand le drame
Produit même douleur, du coup la voilà. Mais
De moi, maintenant, qu'advient-il, que je songe à toi ?
Comme des ruisseaux m'emporte la fin de quelque chose, là,
Et qui ne se déploie telle l'Asie. Cette douleur,
Naturellement, Œdipe la connaît. Pour cela, oui, naturellement.
Hercule a-t-il aussi souffert, lui ?
Certes. Les Dioscures dans leur amitié n'ont-il-pas,
Eux, supporté aussi une douleur ? Oui,
Lutter, comme Hercule, avec Dieu, c'est là une douleur. Mais
Être de ce qui ne meurt pas, et que la vie jalouse,
Est aussi une douleur.
Douleur aussi, cependant, lorsque l'été
Un homme est couvert de rousseurs -
Être couvert des pieds à la tête de maintes taches ! Tel
Est le travail du beau soleil; car
Il appelle toute chose à sa fin. Jeunes, il éclaire la route aux vivants,
Du charme de ses rayons, comme avec des roses.
Telles douleurs, elles paraissent, qu'Œdipe a supportées,
D'un homme, le pauvre, qui se plaint de quelque chose.
Fils de Laius, pauvre étranger en Grèce !
Vivre est une mort, et la mort aussi est une vie.
Hölderlin, En bleu adorable. Traduction d'André du Bouchet.
« Ce poème est extrait du roman de Wilhelm Waiblinger, Phaéton, où il est attribué à un poète fou dont Hölderlin est le modèle. Waiblinger note : « Voici quelques feuillets de sa main qui donnent une idée de l'effroyable égarement de son esprit. Dans l'original, ils sont rédigés en vers, à la façon de Pindare ». Ils sont traduits ici dans la disposition que leur a donnée Ludwig von Pigenot, continuateur de l'édition Hellingrath.
Friedrich Beissner leur rend leur disposition en prose et refuse de les considérer comme un poème authentique de Hölderlin. André du Bouchet, qui l'a traduit, ici, écrit : « La beauté insurpassable de ce poème, ainsi que sa cohérence, rendent de pareilles conjectures vaines », et Heidegger l'appelle un « grand poème, inouï », dont il tire certains éléments de son essai : Hölderlin et l'essence de la poésie. »
21/03/2011
Diablo Swing Orchestra - Sing Along Songs for the Damned & Delirious (Ascendance 2009)
En 2007, Diablo Swing Orchestra avait redonné un sérieux coup de jeune (ou de vieux, c'est selon ...) à la mal nommée scène "Jazz-Metal", en prouvant simultanément :
- que boogie et disto sont non seulement hautement compatibles, mais se passent volontiers de mesures composées et arpèges à la con ;
- que le Metal peut plaire à ta maman ;
- que les filles peuvent chanter du hard sans ressembler à un cosplay très très fauché, selon les cas, de Galadriel ou de Sauron.
- que boogie et disto sont non seulement hautement compatibles, mais se passent volontiers de mesures composées et arpèges à la con ;
- que le Metal peut plaire à ta maman ;
- que les filles peuvent chanter du hard sans ressembler à un cosplay très très fauché, selon les cas, de Galadriel ou de Sauron.
Ça s'appelait "The Butcher's Ballroom", et pour le cours de rattrapage, ça se télécharge légalement ET gratuitement sur Jamendo !
Rebelote en 2009. À nouveau, un seul principe central : le fun. Diablo Swing Orchestra est l'opposé de ces groupes pseudo-cérébraux qui te pompent l'air en montrant qu'ils ont bien appris leur solfège, ou qui se raccrochent tant bien que mal à leurs lectures pubères pleines de dragons, de grandeur et de majesté pour te tartiner de la nappe orchestrale superflue ou une soprano qui n'a jamais rien écouté d'autre que la Reine de la Nuit. Ici, le swing côtoie la valse, le flamenco et les chansons à boire sibériennes ; de manière tout à fait superficielle, assumée et revendiquée comme telle. Il faut que ça rebondisse, que ça surprenne, que ça soit drôle, que ça prenne aux tripes et que ce soit instantanément gravé dans la mémoire de l'auditeur. Diablo Swing Orchestra, c'est une gratte pachydermique qui accompagne une section de cuivres (et pas l'inverse) sur un rythme foutrement cha-ba-da ; c'est Annlouice Wolgers, gothic-lolita de cabaret déglingué, qui chante comme une gamine en voix de tête et hurle sa haine des végétariens et son amour de l'absinthe ; c'est un truc qui va te faire sursauter, te foutre la pêche, te coller un sourire à la con pour le reste de la journée, et qui ne s'encombrera jamais de savoir si l'ambiance est trop ou pas assez "malsaine", "énergique", "psychédélique" ou "acérée". Et quand on sait que pour ce petit bijou, le distributeur ne demande que 9£, frais de port compris, pour n'importe où dans le monde ... Y'a pas le choix, il faut que ça tourne. C'est le printemps, quoi, merde !
En une phrase : "Bring the cookie, kill the cookie, who's the cookie, I'm the cookie !"
Acheter à un prix ridiculement bas / FLAC
Rebelote en 2009. À nouveau, un seul principe central : le fun. Diablo Swing Orchestra est l'opposé de ces groupes pseudo-cérébraux qui te pompent l'air en montrant qu'ils ont bien appris leur solfège, ou qui se raccrochent tant bien que mal à leurs lectures pubères pleines de dragons, de grandeur et de majesté pour te tartiner de la nappe orchestrale superflue ou une soprano qui n'a jamais rien écouté d'autre que la Reine de la Nuit. Ici, le swing côtoie la valse, le flamenco et les chansons à boire sibériennes ; de manière tout à fait superficielle, assumée et revendiquée comme telle. Il faut que ça rebondisse, que ça surprenne, que ça soit drôle, que ça prenne aux tripes et que ce soit instantanément gravé dans la mémoire de l'auditeur. Diablo Swing Orchestra, c'est une gratte pachydermique qui accompagne une section de cuivres (et pas l'inverse) sur un rythme foutrement cha-ba-da ; c'est Annlouice Wolgers, gothic-lolita de cabaret déglingué, qui chante comme une gamine en voix de tête et hurle sa haine des végétariens et son amour de l'absinthe ; c'est un truc qui va te faire sursauter, te foutre la pêche, te coller un sourire à la con pour le reste de la journée, et qui ne s'encombrera jamais de savoir si l'ambiance est trop ou pas assez "malsaine", "énergique", "psychédélique" ou "acérée". Et quand on sait que pour ce petit bijou, le distributeur ne demande que 9£, frais de port compris, pour n'importe où dans le monde ... Y'a pas le choix, il faut que ça tourne. C'est le printemps, quoi, merde !
En une phrase : "Bring the cookie, kill the cookie, who's the cookie, I'm the cookie !"
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07/03/2011
Skullflower - IIIrd Gatekeeper (1993)
Petite gourmandise que ce IIIrd gatekeeper, certainement l'un des meilleurs moments dans la discographie plutôt épaisse de Skullflower, formation ayant vu officier en son sein des membres aussi impopulaires que Stephen Thrower de Coil ou Philip Best de Whitehouse, composée d'un seul membre fixe, Matthew Bower, active depuis 1985 et encore de nos jours après une petite pause en 1997 puisqu'on lui doit un double album de black/noise (!) sorti pas plus tard que l'année dernière. Ce n'est pas de celui-ci dont je vais parler dans quelques instants, mais bien d'un de leur premier album, un beau brûlot de noise rock sombre et incontrôlable qui mérite au moins un peu d'attention.
Brûlot qui, s'il s'avère forcément moins abrasif que les autres sorties plus récentes, n'en reste pas moins étonnamment sauvage. Un véritable paradis aux fondements rock finalement assez primitifs qui s'offre aux amateurs de feedbacks, de larsen et d'autres sonorités divines et bruyantes qui abreuveront leurs oreilles jusqu'à plus soif et même plus encore, les amplis intarissables de Skullflower déversant en continu leur fiel, enflammé comme un jet de napalm par une étincelle électronique introduisant tout les morceaux ou presque, feedback qui donne véritablement corps à chacune des pistes, que cela soit en enveloppant d'essence noire les articulations distinctes d'une basse rocailleuse qui serpente insouciante les murs infranchissables de sons acérés, en cascade de feu judicieusement soutenue dans l'éther par des patterns de batteries diaboliquement simples, gavé d'effets, de wah-wah furieuses, dans le magma secoué de trémolos déchaînés ou tout simplement noyé dans le bordel ambiant, quand vient le moment de relâcher la pression accumulée et d'envoyer la sauce. Plus encore que l'atmosphère ténébreuse générale du bousin, ce sont ces moments chaotiques qui donnent la forme des choses à venir dans les futurs Infinityland ou Strange Keys to Untune God's Firmament, depuis le quasi-black Larks Tongues jusqu'aux incantations de Spoiler, au psychédélisme latent qui pourrait parfaitement annoncer un album comme Orange Canyon Mind, autre grande réussite du groupe dont je parlerai prochainement histoire que votre lampe à bulles ne prenne pas trop la poussière. En attendant je recommande vraiment l'écoute de celui-ci, attention prise de risque, à ceux enthousiasmés par l'excellent Aun VII présenté par l'un de mes éminents collègues, aux amateurs de Sunn, Earth et cie, ou aux gens comme moi qui adorent coller leurs grosses tronches près de l'ampli avec le gain et la reverb à fond. M'kay?
A noter pour ceux qui en veulent encore plus, que le suivant, Obsidian Shaking Codex, même s'il est à mon sens un poil moins intéressant - et encore- que son grand frère, continue sur la voie du feedback indomptable, des drones et des montagnes de bruits guitaristiques pour quelque chose qui s'écarte encore plus des quelques vestiges de structures qui perduraient sur gatekeeper.
Acheter ici ou là.
05/03/2011
Aethenor - Faking Gold and Murder (2009)
Attention, chronique béhemoth en approche pour un all-stars band international qui, jusque là, s'était contenté de pondre des trucs très en dessous du potentiel de ses membres ("bah c'est pas un all stars-band pour rien", diront les mauvaises langues). Comment, je vous le demande (attention, ça va être long), comment ne pas trépigner à l'idée d'une collaboration entre les désormais mondains Stephen O'Malley et David Tibet, qu'on ne présentent plus (normal, ils sont mondains), Daniel O'Sullivan (Guapo, joli rip-off de Magma, mais chut c'est lui au Fender Rhodes qui dispense de ses superbes textures), Alexander Tucker et son blues/folk zarbi, la paire rythmique ici ahurissante de finesse et de liberté du duo Nicolas Field/Alexandre Babel (buttercup metal polish in da place) - toute à la fois colonne vertébrale et partie prenante de l'atmosphère développée dans cet enregistrement - avec enfin Vincent de Roguin, fondateur du groupe, membre des Shora, Odio Terz et dont l'œuvre, au carrefour de la musique concrète, électronique et répétitive est obnubilée par la question de la narration, du réel et du point de bascule de ce monde-ci dans l'autre ? Et comment ne pas être amèrement déçu par les précédents "Betimes Black Cloudmass", "Deep Into the Ocean Sunk the Lamp of Light" qui, sans être intrinsèquement mauvais, manquaient cruellement de direction, de vision et de liant ? On se retrouvait alors en mode "head scratching" (comme disent les ricains) devant des achalandages électroniques hasardeux, ennuyeux et tâtonnants - à tout le moins peu convaincants dans leurs enchaînements et leurs proliférations sonores éthérées, qui, faute de pertinence et de direction, tombaient irrémédiablement dans l'oreille d'un sourd (endormi de surcroît).
"Faking Gold and Murder" est un sursaut, un point dans la discographie du groupe qui se transcende (ou qui s'est tout simplement sorti les doigts du cul) en incorporant les éléments des deux précédents essais, et, d'une formule trouvée, d'une maturité enfin atteinte, de transfigurer le projet en quelque chose, il faut bien le dire, d'assez monstrueux, de plus violent et suffoquant que ce qui le précédait. Je pense qu'ils ne s'y sont guère trompés : "En Form for Blå", leur petit dernier sorti cette année, continue de placer la barre haute. Et c'est tant mieux.
"Faking Gold and Murder" donc, propose quatre "improvisations", que je soupçonne plutôt mi-écrites/mi-improvisées. Quatre improvisations difficilement descriptibles, d'une part parce qu'elles ne font en quelque sorte qu'une tant le fil narratif demeure tendu comme celui d'Ariane, où chaque morceaux est une "zone" à lui tout seul, où chaque instants se succèdent et s'écoulent fluidement dans une égale fascination, une égale tenue en haleine; et, d'autre part, tant les détails, non content de jaillir profus de tous côtés en densifiant une matière sonore ample et ductile, en perpétuelle recréation - sur le sol, grouillant, rasant, courant et proliférant (la première piste); au plafond brillant, tintant, clignotant et tintinnabulant, sous la forme de pâles et Messaiennes lumières qui guident le voyageur dans une antique cité souterraine s'ouvrant, en face de lui, aux solennels sons de gonds et de vétustes mélodies (deuxième et première piste); et droit devant lui, échos et résonances de toutes sortes, sonorités amples et graves, comme d'un vent circulant dans les abîmes ou d'obscurs corps chutant au fond de puits abandonnés (la Moria quoi) - tant ces sons, disais-je, non content de faire cela et bien plus encore (je vous passe le foisonnement des timbres, des tons et des variations), s'allient dans une espèce de formule oxymorique fascinante, quasi-constante, très Supersilent-esque dans l'âme, mariant le chtonien et le céleste, l'âcreté limite noise de certains phénomènes sonores non-identifiés, de cloaques minéraux, suffocants, où chaque composants se condensent et se cristallisent en une masse sonore inhospitalière (la troisième piste, monumentale); et le recueillement surnaturel de la piste finale, où Tibet, extatique, récite, d'une voix ayant délaissé son aigreur pour un ton plus recueilli et aérien, des textes surnaturels sur d'amples et fondantes plages ambient (Coil n'est pas loin à ce stade), où éclosent de lumineux drones en bourgeons liquides, stellaires, là, tapis iridescents, en suspension dans le vide, cœur du sépulcre où s'achève notre voyage ...
J'aimerai souligner, en guise de pseudo-conclusion (car en toute choses et surtout en musique, la connerie est de conclure), et puisque je ne pense pas l'avoir encore fait, le remarquable travail d'ambiance et de dynamisme fourni par la fabuleuse paire Field/Babel. Un exemple parmi tant d'autres, mais qui me semble être le plus représentatif (et qui m'évitera d'être trop disert, pour une fois - comment ça "pénible" ?! allez vous faire foutre) : la piste trois; où les deux batteurs, suivant en cela une structure qu'on jurerait inspirée du Persephassa de Xenakis, redoublent de virtuosités afin, de leurs frappes sèches, mates et nerveuses, de donner l'illusion de papillons de nuits se heurtant patauds à la surface d'une lampe. Inexorablement, ces dernières se rapprocheront en étrécissant peu à peu leurs intervalles (effet claustrophobique garantie, avec amoncellement de détails courant entre la chair et l'os), et, lorsqu'elles finissent par se confondre dans une confusion assourdissante, d'exploser et de tout emporter dans une tempête free mémorable. Geuh. Après avoir écouté ça, m'est avis que vous pourrez claquer en paix (ah bah non, tiens, j'ai encore le live Supersilent à vous présenter).
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02/03/2011
The Legendary Cool Blogs
La génération blog est déjà bientôt obsolète (ddl etc), mais franchement, quelle gloire.
Best taste in music ever
Worst taste in music ever
Classic music taste
Brasileiro
Cult music taste
Classic music taste (shadow of the ZamboniSoundtracks blogspot)
Cult music taste
Africaaaa
Africaaaa
27/02/2011
Sepvlcrvm - Hermeticvm (2010)
Pour un premier coup d'essai, c'est, sinon un coup de maître, du moins une entame extrêmement prometteuse pour ces droneux Italiens. Pensez donc : "Hermeticvm", avec l'alléchante et drolatique justification promotionnelle, par Paradigms Recordings (what else ?), d'une série aussi limitée - et d'ors et déjà épuisée, évidemment ("Due to the esoteric nature of it's hidden knowledge, this arcane item is strictly limited to 100 copies only", traduction : budget failed !), ne pouvait qu'exciter mon intérêt. Et ma foi, naviguer au gré de ces 60 minutes miraculeusement fluides et riches ne m'a pas donné tort. Loin de là.
L'essai consiste en trois improvisations maousses de 20 minutes en moyenne, rudes et recueillies toutes à la fois, que l'on pourrait sobrement qualifier de "bad trip occulto-ritualiste surpuissant", alchimique sans aucun doute (la sympathie d'une décoction d'herbes hallucinogènes avec l'unité divine ?!), pléthore d'instruments en sus multipliant les textures, les couleurs et les effets aux oreilles du disciple avide qui ne demande, on le sait, qu'à faire sauvagement corps avec le sacré. Il faut dire qu'avec ce jeu de drones guitares aquatiques, épaulé par ces trompettes, cloches, orgue, xylophones, incantations tantôt soupirées, tantôt s'élevant à gorges déployées, lorsque les montées en puissance et les ressacs instrumentaux s'y prêtent; créent une matière sonore dense, profuse, relativement homogène, charriant dans ses allées et venues maintes iridescences, maints chancellements et distorsions spatio-temporelles. Dans certaines de ses sonorités et son approche "ambient ritualiste", elle pourrait renvoyer l'alerte auditeur au projet finlandais Halo Manash (le côté "100% natural sounds" en moins cela dit).
Mais qu'elle soit riche n'implique pas nécessairement qu'elle soit immersive. Ô joie, immersif, "Hermeticvm" l'est, et cela à plus d'un titre. Une de ses particularités, me semble t'il, consiste dans l'effort à préserver, tout du long et sans nécessairement faire "saillir" une structure claire et distincte, un certain "équilibre", comme si, au cours d'un rituel théurgique particulièrement tordu, on s'acharnait à maintenir un juste milieu entre deux excès, oscillant entre quiétude instrumentale, silences, chuchotements furtifs, et déchaînement mystique; acheminements purs, lumineux, gorgés d'échos, et montées en puissance irrésistibles suivies de grosses embardées noise dans ta face (le chaos de la transe en direct live), qui débouchent sur de pétrifiantes épiphanies sonores, condensant l'espace/temps en d'irréels et aveuglantes minutes, qui débordent, submergent, et saturent tout d'un trop-plein de signification... La tempête engendrée par l'orgue du dernier Motus est à tomber à la renverse. Pas sûr qu'il reste beaucoup de copies sur Aurora Borealis.
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26/02/2011
Nordvargr - For the Blood is the Life (2007)
Ouais on va causer vampires. Par contre tu peux troquer tes Twilight contre dix Molosses et un Dracula, parce qu'il s'agit certainement là du meilleur album qu'ait pu sortir le comte Nordvargr sous ce nom, en occultant ses sorties MZ.412 et les collaborations avec Merzbow (Partikel). Galerie de portraits captivants en l'honneur de cette figure légendaire et universelle du draineur de vie, griffes dehors, moi dents, dedans..
Pardon, un album monstrueusement hémophile donc qui abandonne en partie le dépouillement glauque parfois un peu trop facile qui servait de toile de fond à Vitagen ou Awaken pour glisser vers quelque chose de plus puissant, de plus organique, au pouvoir d'envoûtement qui force le respect. On y plonge tout entier comme dans un bain - de sang, bien entendu - chaud, et on s'y laisse sombrer, pour se laisser envahir par une torpeur à la fois voluptueuse et inquiétante.
Bande sonore d'un songe fiévreux, sans fin, qui craque et ronfle comme un vieux cylindre de cire, hanté d'une présence spectrale irréelle. Vous incarnerez la victime consentante d'un cauchemar électronique fait de nappes amples, profondes et enveloppantes, rythmées, agitées de beats minimalistes, battements de cœurs contaminés, et jeux de glitchs hypnotisant dont Nordvargr a le secret. Ténèbres rougeoyantes, oppréssantes mais suaves. Rien d'assez brutal pour vraiment rompre le charme et révéler au rêveur blêmissant l'affreuse vérité qu'il ne parvient à entrevoir -sans toutefois la saisir - qu'à travers des échos éphémères, des apparitions subreptices et d'étranges fluctuations.
Difficile de résister à l'étreinte lugubre de toutes ces figures, tantôt rubicondes, tantôt livides, qui se succèdent et se sustentent de votre corps assoupi sur la mousse du caveau, goule spirituelle aux dents acérées ou suceur émacié aux appétits lubriques, tous acteurs d'une danse macabre hallucinante, rêverie morbide s'achevant sur le départ du dernier monstre pas encore assez plein de votre substance -notez avec quelle subtilité mon inconscient évoque la puissance érotique, qui se volatilise sournoisement dans le vent d'une nuit d'été, en quête d'une nouvelle proie plus fraîche.
Ash Ra Tempel - Ash Ra Tempel (1971)
Hambourg, mois de mars 1971. Trois jours durant, trois hippies en jeans baskets, sorciers de leur état, déchaînèrent les forces occultes sur la surface du globe, évènement qui devait rester, aujourd'hui encore, sans commune mesure. Manuel Göttsching, guitariste d'exception et leader du groupe, accompagné d'un Schulze inébranlable aux percussions, tout fraîchement sorti de Tangerine Dream, ainsi que d'Hartmut Enke à la basse, respirèrent, ces jours-là, l'air d'autres planètes. Émettons une platitude, une saine et salutaire platitude - car nul, en ces lieux de débauches sensorielles, ne doit ignorer la venue du Très-Haut, l'investiture au trône du Serious Fucking Business et de tous les trônes et discothèques du monde connus et à venir : ce disque n'est pas un disque. C'est un aérolithe. Considérez le "monstre", ainsi qu'on le qualifiait à l'époque : deux faces. Deux morceaux, 20 minutes en moyenne. Face A, "Amboss" : propulsion verticale, hendrixienne, incandescente et improvisée, pour ce nul part, "là" où l'air manque et où la pression te vaporise; terrifiante dilatation/expansion du soi rompant en une seule et unique déflagration ton principium individuationis de punaise. Et, dans cet ahurissant maelström de feedback, d'effets d'échos et de soubresauts de wah-wah(tu la sens, ma pédale CryBaby à 12:50 jeune pédé?!), de tout abîmer dans le feu. Face B, "Traummaschine" (ma préférée, sans doute) : découverte de continents astraux et de tombeaux égyptiens en environnement fermé, claustro mais incompréhensiblement vastes, où le disciple, de nuages empoussiérés qui se soulèvent en filaments arpégés de toiles d'araignées électriques, de sépulcrales plages électroniques en litanies mystiques étirées et lointaines, d'échos de gouttes d'eau ruisselantes en émergences soudaines de solo criant leur panique, comprend que le tombeau d'Ash Ra Tempel se referme (s'effondre ?) sur lui. Vous n'en reviendrez pas, captifs de toute éternité. Allez en paix.
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25/02/2011
Kuxan Suum - Kinich Ahau (2010)
J'en ai connu des releases obscurément occultes, crûment, passionnément cinglées. Mais là, laissez-moi vous dire qu'on en tient une de sacrément cramée, le genre de piste fucked-up du début à la fin qui t'fait écarquiller des yeux, éberlué par ce qui te passe entre les oreilles. Et je baise mes pots (quelles salopes ces pots). Avec ces 17 minutes, Kuxan Suum pourrait être aux ricains ce que Vucub Came serait aux français, pour te donner un ordre d'idée. Seulement, là où Vucub Came t'empoissait l'esprit avec son ritualisme tout droit sorti d'un caveau maya, Kuxan Suum donne dans un registre odieusement aigüe (surtout ces premières minutes aux arpèges électriques, gare aux malheureux frappés d'hyperacousie), parfois distinct dans ses breaks mais chaotique as fuck dans ses emballements/débordements, qui n'arrêtent pas de déployer des filaments de grattes réverbérées qui s'étiiiiiiiiiirent en ponts stellaires transperçant les nuées, effets en sus, si bien que tu te retrouves au cœur d'une tempête supersonique furieusement psyché, crade, et totalement barge. Bon, la voix peut gonfler, elle fait très Silencer (on peut pas être parfait non plus). Par contre ce groupe ferait parti d'une espèce d'Inner Cercle local (Californie du Sud), le Black Twilight Circle, qui regrouperait une poignée d'artistes de cette trempe (un split 6-ways incluant Ashdautas, Volahn, Arizmenda, Kallathon et Axeman, intitulé "Worship Black Twilight" est sorti en 2009 sur le label Crepúsculo Negro/Vukub Kaquix - http://vukubkaquix.bigcartel.com/). Après vérification, semble que ce soit souvent le même mec. A surveiller de près, donc.
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Procyon-X - The Ghost of Orion (2007)
Paradigms Recordings a eu le nez creux en signant Procyon-X, projet de l'allemand Markam. D'emblée, cette musique se distingue toto coelo de celle, plus darkwave, de Vervamon, son projet principal. Ici, on embrasse Schulze, Tangerine Dream (Zeit) à bras ouverts, tendus vers les constellations, le silence pur des immensités et les colonnes de gaz multicolores. Évolutive, travaillée et maîtrisée de A à Z (on nous épargne les nappes foutues en brouillard de fond fixe et répétées ad nauseam), voilà un beau travail de synthèse qui sait éviter le stéréotype des infrabasses lustmordienne/nordvargrienne ou du glucose mélodico new-age, pour un univers sonore tout à fait fascinant, avec cette part de mystère fleurant bon le "reviens-y" et cette concision du propos n'admettant aucune longueur (30 minutes tout au plus). Spécial mention au dernier morceau, qui fait chanter son sonar d'une fort belle manière sur fond de pulsations rythmiques from outta'space, un peu à la Hearth in Mouth. Vous savez chez qui toquer (encore, toujours, jusqu'à ce que mort s'ensuive) pour vous procurer cette petite merveille.
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Yrsel - Requiem for the 3 Kharitees (2010)
Singeons Mallarmé :
- "Tels, en froid sanctuaire, s'amassent ces drones mouvants : calmes blocs qui ici-bas portent, là, érodent, muettes processions, de l'endeuillé la conscience; désorienté quant au commencement, la fin de certains riffs, projeté de dures parois en pâles scintillations, ainsi qu'en lit de noir granit matière, esprit, cristallisant, fusionnent, bien plus dès que sonne, pendule pianistique d'une note l'autre oscillant, la stase du temps empierré... stupeur lorsqu'apparaît, du ruisselant abîme, la Perte, obombrante épiphanie ! Julien Louvet (The Austrasian Goat), C.J Larsgarden (Ondo) : un requiem pour la Divinité abolie, les rites que ne recueillent plus les cinéraires amphores, les temples, vides du seul objet dont l'Oubli cèle l'advenu..."
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